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Gilles Perrin, le photographe des femmes du monde

19 Septembre 2022 - Art / Culture / Entretien / Portrait

Le monde n'est qu'images avec une surabondance de clichés plus ou moins vérifiés. Aujourd'hui chacun peut figer l'instant grâce à son téléphone et ajouter de la couleur et des effets pour attirer le regard du public en mal de sensations. Il est loin le temps où le photographe se déplaçait avec son lourd matériel pour immortaliser un visage qui restera suspendu sur le mur familial. Pourtant, Gilles Perrin fait partie de ceux-là. Lui, le Charentais qui n'a pas hésité à voyager au-delà de son pré pour rencontrer l'autre malgré sa différence. Portrait d'un homme qui prend le temps de poser son regard bienveillant sur les femmes du monde...

 

Portrait de Gilles Perrin © Nicole Perrin
Portrait de Gilles Perrin © Nicole Perrin

 

 

"J'ai commencé la photo tout petit, vers douze-treize ans. C'est un métier que j'ai toujours voulu exercer. D'ailleurs j'ai abandonné mes études d'ingénieur en mécanique pour pratiquer ce métier." - Gilles Perrin

 

Gilles Perrin est né en 1947. Depuis 1972, il exerce une activité d’auteur photographe, spécialiste du grand format, des appareils panoramiques et panoscopiques. Il a enseigné la photographie à l’université de Paris VIII pendant plus de vingt ans et a transmis son savoir-faire à l'École de l’Image des Gobelins, à Paris, ainsi qu’à l'École nationale de photographie en Arles.
C'est un grand Monsieur du 8ème Art qui vit paisiblement dans un tout petit village charentais et dont les photos sont exposées aux quatre coins du monde.

 

Nawal El Saadawi, écrivain, Shoubra, Le Caire, Egypte © Gilles Perrin
Nawal El Saadawi, écrivaine, Shoubra, Le Caire, Egypte © Gilles Perrin

 

 

"J'ai fait une carrière dans la photographie commerciale, notamment la publicité, l'industrie et le reportage. En résumé, j'ai réalisé beaucoup de natures mortes en studio, ce qui m'a permis d'acquérir une solide maîtrise technique. Mais depuis la fin des années 80, j'ai décidé de travailler davantage pour moi et de réaliser les photographies que j'avais envie de faire avec ou sans commande."

Il a donc voyagé pour photographier des gens d'autres cultures et réaliser ce travail considérable sous forme de portraits. Il voulait montrer le monde qui nous entoure et que très souvent on ignore. Il a donc eu l'idée originale de travailler avec une chambre photographique sur un pied et un film Polaroïd noir et blanc qui n'existe plus. Ce film avait comme particularité d'avoir un positif et un négatif, le négatif permettait de faire les tirages et le positif était un test. Il donnait ainsi le test aux personnes qu'il photographiait.


"Cela m'a permis d'avoir de merveilleux échanges avec les sujets photographiés" - Gilles Perrin

 

Rawiya, potière, oasis du Fayoum, Egypte © Gilles Perrin
Rawiya, potière, oasis du Fayoum, Egypte © Gilles Perrin

 

Pourquoi les femmes ?

"Eh bien après avoir traîné mon appareil photo dans nombre de pays, de la Chine à l'Égypte en passant par le Mali, l'Amérique du Sud et du Nord, j'avais pour désir de faire un travail sur les femmes que j'ai d'ailleurs appelé "la moitié du monde", la traduction de l'arabe Noss al-Duniyah."

Ce travail photographique a donné lieu à une exposition au centre culturel égyptien et à l'UNESCO à Paris ainsi qu'à un livre par les éditions Les Imaginaires.

Cette aventure personnelle ne l'est pas vraiment car Gilles s'appuie aussi sur sa compagne Nicole qui le suit et même le précède dans tous ses voyages en tant que "fixeur" pour reconnaître le terrain. Quel couple étonnant !

 

Balo, Kachia, Doba, Dami, ethnie Hamer, vallée de l’Omo, Ethiopie © Gilles Perrin
Balo, Kachia, Doba, Dami, ethnie Hamer, vallée de l’Omo, Ethiopie © Gilles Perrin

 

 

Nicole a été son ambassadrice auprès des femmes, instaurant entre elles et le photographe une proximité parfois surprenante. Ainsi cette rencontre avec une jeune fille dans le cimetière de l'ouest au Caire, endroit assez étonnant car beaucoup de gens se sont installés autour des tombes pour y vivre.

"J'y ai croisé une jeune fille qui m'a regardé pendant que je photographiais une femme. Elle m'a interpellé en me disant : tu veux photographier les femmes, eh bien fais-moi une photo. J'étais particulièrement étonné qu'elle soit aussi à l'aise pour demander à un homme dans cet endroit un peu bizarre de se faire photographier. Eh bien je l'ai photographiée et je crois que je lui ai fait beaucoup plaisir."

 

Beldo, ethnie Peuhl Bororo, cérémonie Geerewol, Adjangafa, Niger © Gilles Perrin
Beldo, ethnie Peuhl Bororo, cérémonie Geerewol, Adjangafa, Niger © Gilles Perrin

 

 

"... des artisanes, des intellectuelles, des artistes, des avocates, des médecins... parce que ce sont elles qui transmettent la connaissance." - Gilles Perrin

 

Une autre fois au Mali, au sud de Bamako, Gilles est allé rencontrer une voyante, une chamane. Elle vivait très simplement dans une petite case. Nicole a réussi à la convaincre de se laisser photographier. En échange de sa photo souvenir, la chamane a offert un poulet vivant et un terrain d'un hectare lors d'une cérémonie impressionnante ! C'était difficile pour Nicole et Gilles de refuser ce cadeau, alors ils lui ont dit que ce terrain aurait une meilleure utilité si la communauté y plantait des patates ou du maïs, les récoltes seraient offertes aux plus démunis.

"Dans mes choix de sujet, je cherche à avoir une vision un petit peu représentative parce qu'elle ne peut pas être exhaustive. J'aime beaucoup qu'il y ait des artisanes, des intellectuelles, des artistes, des avocates, des médecins parce que ce sont elles qui transmettent la connaissance."

 

Gilles et Nicole au Sénat © Nicole et Gilles Perrin
Gilles et Nicole Perrin © Nicole et Gilles Perrin

 

Les femmes rencontrées lors de ces péripéties vont se souvenir longtemps de ce couple généreux qui ne voyage pas pour prendre des images mais plutôt pour partager un moment de convivialité... une autre époque.

 


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