C’est un projet fou que propose Francis Hallé : recréer une forêt primaire en Europe de l’Ouest comme remède à l’effondrement du vivant. Laisser la nature faire son travail sur le long terme afin de transmettre aux générations futures un sanctuaire de biodiversité, source de vie, d’émerveillement et de connaissances.
Le célèbre botaniste de 85 ans a passé sa vie entière au sommet des grands arbres des forêts primaires tropicales. Fervent défenseur du règne végétal, Francis Hallé nous rappelle que la forêt est essentielle et primordiale au bon équilibre du vivant. Que les arbres, en rejetant de l’oxygène, nous permettent tout simplement de respirer.
C’est en Afrique de l’Ouest qu’il découvre sa première forêt primaire tropicale, en Côte d’Ivoire, en 1960. La forêt dite "primaire", appelée aussi "naturelle", c’est-à-dire à l’état originel, sans trace ni modification liée à l’intervention humaine. Comment la reconnaît-on ? "À sa beauté, et à sa richesse en vie végétale et animale" dit le botaniste.
Dans les années 1980, il devient le co-inventeur du fameux Radeau des cimes, une nacelle qui permet d’étudier la canopée des forêts. La plate-forme permet aux scientifiques du monde entier de s’y poser et d’y travailler pour observer l’ensemble de la biodiversité. Durant plus de quinze années d’expéditions scientifiques, près de 300 chercheurs internationaux explorent les canopées forestières tropicales, au Gabon, au Cameroun, en Guyane ou à Madagascar.
Une nouvelle idée germe dans l’esprit de l’ardent défenseur de la nature. Un projet à contre-pied complet de l'air du temps, qui devrait aboutir dans… six ou sept siècles !
C'est le temps qu'il faut pour reconstituer une forêt primaire en Europe de l'Ouest sur la base d'une forêt secondaire existante. - Francis Hallé
En Europe, les forêts primaires ont pratiquement toutes disparu. Il n’en existe plus qu’une seule, la forêt de Bialowieza, en Pologne, à la frontière avec la Biélorussie. Elle héberge toute une faune de grands herbivores, notamment des bisons, mais subit des menaces et un déclin alarmant.
Ce sanctuaire servira également de lieu pour mener des actions de pédagogie et de sensibilisation à l’environnement. Les visiteurs pourront emprunter des passerelles surélevées ou bien l’explorer depuis des radeaux des cimes ! Toutefois, les défis sont nombreux : délimiter le territoire, s’entendre sur le cadre juridique, assurer le dédommagement des forestiers… Le projet demande également à tous de se projeter sur un temps très long, de minimum 700 ans, correspondant au délai estimé par les scientifiques pour obtenir une forêt primaire à partir d’une forêt déjà existante.
Participer à un projet aussi ambitieux, sans le voir terminé de son vivant, voilà une proposition qui ne manque pas d’audace. Une démarche salutaire qui remet l’humain à sa place : un fragment du vivant qui n’est pas au sommet de l’évolution comme il le croit trop souvent. Rêver pour changer les choses, voilà le plus beau des projets de Francis Hallé.
Pour en savoir plus :
Association Francis Hallé pour la forêt primaire : https://www.foretprimaire-francishalle.org
Un naturaliste sur le toit de la forêt - Francis Hallé raconté par Alexis Jenni, Editions Paulsen, Avril 2024