Tourisme durable

Francis Hallé : réensauvager l’Europe

10 Décembre 2024 - Biodiversité / Nature / Préservation

C’est un projet fou que propose Francis Hallé : recréer une forêt primaire en Europe de l’Ouest comme remède à l’effondrement du vivant. Laisser la nature faire son travail sur le long terme afin de transmettre aux générations futures un sanctuaire de biodiversité, source de vie, d’émerveillement et de connaissances.


© Association Francis Hallé pour la forêt primaire



L’homme qui murmurait à l’oreille des arbres


Le célèbre botaniste de 85 ans a passé sa vie entière au sommet des grands arbres des forêts primaires tropicales. Fervent défenseur du règne végétal, Francis Hallé nous rappelle que la forêt est essentielle et primordiale au bon équilibre du vivant. Que les arbres, en rejetant de l’oxygène, nous permettent tout simplement de respirer.

 

Bielowieza © Benkamorvan Flickr CC

 

C’est en Afrique de l’Ouest qu’il découvre sa première forêt primaire tropicale, en Côte d’Ivoire, en 1960. La forêt dite "primaire", appelée aussi "naturelle", c’est-à-dire à l’état originel, sans trace ni modification liée à l’intervention humaine. Comment la reconnaît-on ? "À sa beauté, et à sa richesse en vie végétale et animale" dit le botaniste.

Dans les années 1980, il devient le co-inventeur du fameux Radeau des cimes, une nacelle qui permet d’étudier la canopée des forêts. La plate-forme permet aux scientifiques du monde entier de s’y poser et d’y travailler pour observer l’ensemble de la biodiversité. Durant plus de quinze années d’expéditions scientifiques, près de 300 chercheurs internationaux explorent les canopées forestières tropicales, au Gabon, au Cameroun, en Guyane ou à Madagascar.
 

Radeau des cimes © Opération canopée



Première forêt primaire d’Europe de l’Ouest
 

Une nouvelle idée germe dans l’esprit de l’ardent défenseur de la nature. Un projet à contre-pied complet de l'air du temps, qui devrait aboutir dans… six ou sept siècles ! 

C'est le temps qu'il faut pour reconstituer une forêt primaire en Europe de l'Ouest sur la base d'une forêt secondaire existante. - Francis Hallé

En Europe, les forêts primaires ont pratiquement toutes disparu. Il n’en existe plus qu’une seule, la forêt de Bialowieza, en Pologne, à la frontière avec la Biélorussie. Elle héberge toute une faune de grands herbivores, notamment des bisons, mais subit des menaces et un déclin alarmant.

Fort de ses années d’observation, Francis Hallé voit en la forêt primaire le moyen de lutter contre les problématiques actuelles de bouleversements climatiques et d’appauvrissement de la biodiversité. Ce n’est pas une utopie mais un projet bien réel. Depuis juin 2019, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire s’engage pour la création d’une forêt primaire européenne sans aucune intervention humaine. La nouvelle forêt prendrait place sur 70 000 hectares, l’équivalent de la surface de l’île de Minorque, dans les Ardennes franco-belges ou les Vosges franco-allemandes.


Film réalisé par Luc Jacquet sur Francis Hallé sorti en 2013 © Luc Jacquet
 


 

Une réflexion et un hymne au vivant
 
Ce projet d’envergure entre dans les objectifs du Pacte vert européen qui entend instaurer la protection de 30% des terres d’ici 2030. Comme le précise Francis Hallé, le projet coûte peu, car il s’agit avant tout de trouver un espace et de laisser la nature évoluer librement sur une période de plusieurs siècles.
 

Ce sanctuaire servira également de lieu pour mener des actions de pédagogie et de sensibilisation à l’environnement. Les visiteurs pourront emprunter des passerelles surélevées ou bien l’explorer depuis des radeaux des cimes ! Toutefois, les défis sont nombreux : délimiter le territoire, s’entendre sur le cadre juridique, assurer le dédommagement des forestiers… Le projet demande également à tous de se projeter sur un temps très long, de minimum 700 ans, correspondant au délai estimé par les scientifiques pour obtenir une forêt primaire à partir d’une forêt déjà existante.

Participer à un projet aussi ambitieux, sans le voir terminé de son vivant, voilà une proposition qui ne manque pas d’audace. Une démarche salutaire qui remet l’humain à sa place : un fragment du vivant qui n’est pas au sommet de l’évolution comme il le croit trop souvent. Rêver pour changer les choses, voilà le plus beau des projets de Francis Hallé.
 

Pour en savoir plus :

Association Francis Hallé pour la forêt primaire : https://www.foretprimaire-francishalle.org
Un naturaliste sur le toit de la forêt - Francis Hallé raconté par Alexis Jenni, Editions Paulsen, Avril 2024