Jusqu’à quand pourrons-nous dévaler les pistes ? D’ores et déjà frappées par le manque de neige récurrent, les stations de sports d’hiver de basse et moyenne altitude sont les territoires où le changement est le plus visible. Dès lors, quel modèle inventer pour demain ?
Deuxième destination skiable au monde après les Etats-Unis, la France abrite de larges territoires qui dépendent financièrement des sports de glisse. Mais cet hiver, faute de neige en dessous de 1 600 mètres d’altitude, nombre de domaines ont dû fermer leurs remontées, tandis que d’autres ont condamné une partie de leurs pistes. A l’inverse, les stations de haute montagne des Alpes du Nord semblent les moins menacées. Tignes, Val-Thorens, Val-d’Isère font le plein de touristes, notamment de skieurs étrangers. Mais dans les trente prochaines années, le changement climatique va bouleverser les équilibres de toutes les stations de ski, affirme la Cour des comptes, dans un rapport publié en février 2024.
D’ici à 2050, de nombreuses stations de basse et moyenne altitude seront contraintes de cesser leurs activités de remontées mécaniques. Face au changement climatique, trop d’acteurs de la montagne présentent comme solution le cas de la neige artificielle. Or, les canons à neige, très coûteux, posent de multiples problèmes, à commencer par leur impact sur la ressource en eau.
Dans un département confronté à une sécheresse historique, Font-Romeu s’appuie sur des centaines de canons, une usine à poudreuse et des dameuses dernière génération, capables de gérer au mieux cette neige artificielle. La station vient même d'investir dans une nouvelle télécabine pour faire perdurer l'activité le plus longtemps possible.
Dans son dernier rapport sur l'adaptation des stations de montagne à la hausse des températures, la Cour des comptes souligne que la station “ne tient pas compte des conséquences du changement climatique” et s’entête avec un plan de développement qui mise tout sur le ski. Pourtant, comme le démontre le rapport, le modèle “tout neige” des stations françaises “s’essouffle”, notamment dans les Pyrénées où les installations sont jugées plus vulnérables à la hausse des températures que dans les Alpes. Mais l’appât du gain est trop intéressant : l'économie de leur territoire dépend à 90% du ski.
Qu’elles le veuillent ou non, de nombreuses stations seront contraintes de s’adapter aux températures très douces. La petite station de Métabief, dans le Haut-Doubs, culminant à 1463 mètres, est une des rares à admettre qu’entre 2030 et 2040, le ski aura disparu. Le glaciologue Olivier Erard, en charge de la gestion et du développement du domaine skiable, tente d’aborder avec sérénité le cap de sortie du ski. Fin 2018, il renonce aux investissements neufs et se concentre sur la maintenance de l’existant. Sans solution miracle, il croit en une transition progressive.
Pour les stations, il s’agirait donc de faire évoluer les installations existantes et de bien réfléchir aux nouveaux aménagements. D’arrêter de les étendre, de promouvoir davantage d’autres activités ainsi qu’un tourisme quatre saisons. La bonne nouvelle, c’est que les Français sont friands de vacances à la montagne et d’autres activités que le ski alpin – randonnée, VTT, raquettes à neige ou ski de fond. Ces loisirs annoncent peut-être un nouveau rapport à la montagne, à la fois plus respectueux de l’environnement et moins dépendant des aménagements destinés à la pratique du ski.
Cependant, pour le géographe Rémy Knafou, professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, il n’existe pour le moment aucune alternative viable à l’économie du ski. Pour sortir de cette dépendance, il va donc falloir beaucoup de moyens. L’Etat, qui avait donné un gros coup de pouce dans les années 60 pour développer les stations de ski, va-t-il intervenir pour les aider à sortir du tout ski ? Le "Plan Avenir Montagnes", lancé en 2021, prévoit des financements pour sortir de ce modèle et imaginer d’autres politiques touristiques. Mais la candidature des Alpes en 2030 pour les Jeux Olympiques montre plutôt un signal contradictoire.