
Là-bas, tout au nord de la Norvège, vers Narvik, une colline somptueuse qui plonge sur le fjord de Lavangen, est tous les ans le spectacle d’un festival de chamans et de médecines naturelles. À Isogaisa, on arrive curieux, un tantinet sceptique mais on repart convaincu que l’association des énergies de la terre, des éléments et des humains donne une sacrée pêche pour redescendre de la colline. Balade riche en rencontres humaines et spirituelles.
"Isogaisa, c’est un état d’esprit, une manière d’être plus grand que soi, une montagne à atteindre, un symbole de force primaire", telle est la façon dont Ronald Kvernmo décrit le festival qu’il créa en 2009. Avec son costume de Sami, ses longs cheveux, sa prestance et son élégance, il est le maître des lieux. Chaman et Sami, Ronald suit des études de religion à l’université de Tromsø. Fervent défenseur de sa culture, longuement réprimée par l’Eglise protestante scandinave, il se rend compte que les festivals et manifestations chamaniques ouverts à tous sont peu nombreux. Il décide de créer son événement. Son idée : non seulement faire découvrir et célébrer la culture sami mais aussi rapprocher les cultures indigènes du monde entier. Le festival accueille chaque année entre 400 et 600 curieux de tous horizons, âges et nationalités. Il suffit de payer la modeste somme d’entrée et de planter sa tente pour une nuit ou plus.
La magie du festival prend dès la première année. À Isogaisa, les seules substances interdites sont les drogues et l’alcool. Du coup, Isogaisa est réputé pour son calme. Aucun débordement ou effets secondaires pénibles et inhérents à la plupart des festivals. Pour combler au manque dont certains pourraient souffrir, on vous sert un excellent chocolat chaud maison - ou plutôt tipi. Car vous gambaderez au milieu de tentes sami que l’on appelle des Lavvu.
Dans ces dernières, vous assisterez à des séances de chamanisme, des débats, des conférences mais aussi des concerts, des lectures de contes… Au pied de la colline, le rez-de-chaussée d’un hôtel est également à la disposition des festivaliers et des exposants. On y trouve des stands d’artisanat sami, de produits locaux, de remèdes issus de plantes traditionnelles. On peut aussi faire soigner ses maux par des guérisseurs… Ambiance ésotérico-holistique et surtout bienveillante.
La richesse du festival se trouve aussi au détour d’un lavvu, lorsqu’on écoute un Lapon en costume raconter ses origines, ses traditions, sa culture… Car le pays des Samis est vaste, il s’étend sur 400 000 km2, du nord-ouest de la Norvège à un petit bout de Russie en passant le nord de la Suède et de la Finlande. Et grâce à leurs récits, on découvre toute une culture et des traditions en osmose avec la nature, des modes de vie qui dépendent des rennes et de leur transhumance, de la pêche aussi, une culture animiste aussi : pour les Sami, les montagnes, les rochers et les lacs avaient une âme. Quant au monde, il était divisé en trois : le monde céleste, terrestre et souterrain…
Loin de vouloir faire un cours d’ethnologie, quelques notions aident à mieux appréhender le rapport des Lapons à la terre, à la nature et comprendre pourquoi on voit presqu’autant de Samis que de tambours ! Ces derniers, fabriqués en peau de rennes, ont en effet une importance capitale dans la culture sami. Accompagnés de chants gutturaux appelés "joïks", ils permettaient aux chamans de rentrer en transe et ainsi en contact avec les Dieux ou de voyager dans d’autres lieux.
Dans les lavvu sont organisées toutes sortes de manifestations : des ateliers pour fabriquer des tambours, des conférences liées à la culture lapone, des conférences sur d’autres cultures indigènes, et des cérémonies chamaniques menées non seulement par des Samis mais aussi par des chamans d’autres continents. Assis sur des peaux de bête à même le sol, autour de feux qui ne cessent d’être attisés, on est vite impressionné voire envoûté par les cérémonies chamaniques.
Puis la nuit tombe pour quelques heures - on est en été - , des concerts de groupes venus des quatre coins de la Laponie alternent musiques traditionnelle, moderne et innovante. La fête se termine plus tard quand tout le monde se met à jouer du tambour sami en harmonie autour du feu et à entamer des joïks. L’expérience est déroutante et magique. Pas besoin d’alcool ou autres substances illicites. Tandis que certains entrent en transe, d’autres dorment d’un sommeil profond au coin du feu sur une peau de bête. On se réveille le lendemain requinqué et on en veut encore de cette belle énergie.
Cette année, le festival a lieu du 21 au 25 août, préparez-vous !
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