Tourisme durable

Donner la parole aux femmes péruviennes

17 Août 2016 - Culture / Entretien / Initiatives / Portrait

Lauréates de la 6ème édition de la bourse AVI International, Aurore et Marine souhaitent mettre à profit leur connaissance de l’audiovisuel pour réaliser un documentaire visant à mettre en lumière la condition féminine péruvienne à travers les témoignages croisés de deux générations : celui des femmes victimes de la campagne de stérilisation forcée d’Alberto Fujimori dans les années 90, et celles qui se battent aujourd’hui pour le droit à l’avortement et plus précisément pour la dépénalisation de l’avortement en cas de violences sexuelles.

Aurore Chatras et Marine Guillaume ©DR

 

Lors de la Grande Soirée Bourse AVI du Voyage Solidaire 2016 qui s’est tenue le lundi 13 juin au cinéma Luminor, le public a pu découvrir Aurore Chatras et Marine Guillaume, deux jeunes femmes habitées par leur projet de documentaire - "A ma place" -  qui se sont connues pendant leurs études, et qui ont décidé de partir trois mois au Pérou pour donner la parole aux femmes péruviennes. Un sujet ambitieux, mais complexe, qui vise à mettre la lumière sur deux réalités peu connues du grand public, dont la campagne de stérilisation forcée orchestrée par Alberto Fujimori dans les années 1990. En juillet 2002, un rapport du ministère de la santé a estimé à 331 600 le nombre de femmes stérilisées entre 1995 et 2000. Contraintes, manipulées, le Pérou étant en crise à  l’époque, les femmes péruviennes et particulièrement les Quechuas (les populations visées sont les moins éduquées, les plus marginalisées) n’ont guère le choix. Les centres de santé ont des quotas à respecter, l’avis des femmes importe peu.

Manifestation à Lima pour dénoncer la campagne de stérélisation forcée orchestrée par Alberto Fijimori ©DR

 

C’est en lisant un article sur Keiko Fujimori, fille aînée de l'ancien président qui vient d’être battue de justesse aux élections présidentielles péruviennes,  qu’Aurore et Marine découvrent ce drame. Peu à peu, leur projet s’esquisse. Sur internet, elles découvrent la bourse AVI, puis les portraits des lauréats précédents grâce au partenariat qu’AVI a noué avec voyageons-autrement.com. Elles décident de déposer à leur tour un dossier, et de faire jouer le double regard des femmes de la génération Fujimori avec celles d’aujourd’hui, qui ont un autre combat, celui de la dépénalisation de l’avortement en cas de violences sexuelles, encore extrêmement stigmatisée aujourd’hui au Pérou. Une lutte d’actualité, puisque le 19 mai dernier, en pleine campagne de l’entre-deux-tours de la présidentielle, une dizaine de femmes ont défilé seins nus en plein cœur de Lima pour dénoncer une réforme qui prévoit de condamner toute femme ayant recours à l’IVG à 50 jours de travaux d’intérêt général (contre deux ans de prison jusque-là)…

Les femmes se mobilisent au Pérou ©DR

 

Autant dire qu’Aurore et Marine auront de la matière et qu’elles ont su trouver un sujet brûlant pour lesquelles les femmes ont un fort besoin de s’exprimer. Déjà en lien avec des associations et des ONG militantes sur place, elles ont également eu la chance de rencontrer, lors de la Grande Soirée Bourse AVI du Voyage Solidaire, Christine Batard, la responsable « Mission Pérou » de Médecins du Monde, très au fait de la situation, qui leur a conseillé de bien prendre en compte l’évolution en cours de la pénalisation de l’avortement, mais aussi de faire attention à ne pas se perdre dans un vaste sujet où il y a beaucoup à dire mais où le regard féminin est encore très tabou.
 

C’est donc pour les deux jeunes femmes qui travaillent toutes deux dans l’audiovisuel un véritable défi à relever, d’autant que ce voyage au Pérou sera également une grande première, avec l’intention au cours des trois mois sur place de parcourir l’ensemble du territoire, du littoral pacifique aux hauts plateaux andins. Au-delà du documentaire qui sera ensuite diffusé dans des festivals, elles prévoient de réaliser des expositions de photographies prises sur place. Un projet féministe ? Marine sourit : « On est plus femmes que féministes ».