Au nord de l’Italie, il est une région qui flirte avec l'Autriche, le Sud-Tyrol, avec les fameuses Dolomites que l'Unesco a classées au patrimoine mondial en 2008.
Symbolisées par les Tre Cime et par le massif du Sella, les Dolomites ont forgé leur réputation de plus belles montagnes du monde. Elles doivent leur nom à un géologue français du XVIIIème siècle, Déodat Gratet de Dolomieu qui, le premier, mena des études scientifiques dans la région. Avant, elles étaient connues comme les Monti Pallidi, "montagnes pâles". Aussi dingue que cela puisse paraître, les Dolomites étaient, il y a 250 millions d’années, un récif de corail baignant dans des eaux translucides.
Aujourd'hui, alors que l’on marche en raquettes sur le glacier du Hochjochferner, avec notre guide Robert Ciatti, il évoque une autre histoire vieille de 5000 ans. "En 1991, deux randonneurs ont trouvé un corps conservé à l'état de momie pas très loin de là. On l'a baptisé Otzï, en référence au massif où il a été retrouvé. Il avait encore sa peau de bête sur le dos. On ne connaît pas celui qui l'a tué dans le dos avec une flèche." Un musée a été bâti rien que pour lui, à Bolzano. L'homme des glaces vieux de 5000 ans méritait bien cette gloire posthume. À 66 ans, ce guide de haute montagne cavale encore comme un bouquetin et il faut s’accrocher pour ne pas le perdre de vue dans ce jour blanc. Sans doute était-il pressé de nous conduire jusqu’à une magnifique grotte aux parois bleutées, tapie sous le glacier.
Le jour où il l’a trouvée, il en est tombé raide dingue et depuis il lui rend régulièrement visite, en privé de préférence. "Seules les femmes sont plus belles, confie-t-il. Je l’aime, mais je sais hélas qu’elle va tôt ou tard s’écrouler, car le glacier n’en finit pas de rapetisser. Il faudra que j’en trouve une autre. Que Dieu me prête encore vie une paire d’années pour que je puisse profiter des merveilles de la montagne."
Même le pape Pie XII n’a rien pu y faire quand les habitants de Curon lui ont demandé d’intercéder auprès du gouvernement pour que soit abandonné le projet de barrage hydro-électrique qui allait submerger leur village et leurs pâturages.
En 1950, l’eau a, comme prévu depuis longtemps, englouti les maisons abandonnées et pour certaines déjà rasées. Seul est demeuré visible le clocher du XIVème siècle. Depuis cette année funeste, il est fiché comme un pieu dans les eaux vertes du lac de Resia, Reschensee. En hiver, quand le vent glacé qui descend des montagnes gèle les flots, on peut s’en approcher à pied et toucher ses vieilles pierres inconsolées.