
Créer un itinéraire pédestre mémoriel transnational de Londres à Berlin en passant par la Normandie, Paris, la Belgique et les Pays-Bas, tel est l’un des objectifs de la fondation de la Route de la Libération. Il s’agit de suivre les pas des soldats qui ont libéré l’Europe du Nord-Ouest de l’occupation nazie. À travers des étapes clés, des rencontres, des visites guidées, ce chemin transnational permet non seulement de mettre en lien des sites de mémoire mais aussi de s’adresser aux jeunes générations qui n’ont plus forcément de lien direct avec la guerre. Découverte d’un chemin à la fois riche en histoires, en émotions, en rencontres et en paysages urbains, côtiers et de rases campagnes.
Depuis sa création dans la région d’Arnhem-Nimègue aux Pays-Bas en 2008, la fondation de la Route de la Libération a fait du chemin sur les routes d’Europe. “Le point de départ est un projet régional entre des musées, des municipalités et des partenaires touristiques afin de mettre en avant l’histoire de l’opération Market Garden, qui s’est déroulée en septembre 1944″, explique Rémi Praud, directeur exécutif de la Route de la Libération.
Rapidement, le projet est repris par d’autres provinces néerlandaises puis, dès 2011, ses fondateurs sollicitent avec succès d’autres régions et pays européens pour lui donner une dimension internationale. “Après de nombreuses concertations et des travaux collectifs, cinq pays se sont engagés sur le concept d’un itinéraire mémoriel transnational, à l’image de Saint Jacques de Compostelle. Le 6 juin 2014, cette route internationale était officiellement inaugurée à Arromanches en Normandie, à l’occasion du 70ème anniversaire du débarquement“, résume Rémi.
“L’idée depuis le départ est de donner une forme tangible à cette Route de la Libération. Nous avons souhaité commencer par la randonnée car il existe des centaines de chemins à travers l’Europe que nous pouvons connecter”, explique Rémi. Armée d’un comité scientifique international, se basant sur un réseau d’historiens européens, et en collaboration avec des spécialistes de la randonnée, la Route de la Libération a regardé, région par région, comment connecter les lieux de mémoire avec des chemins accessibles et en bon état. À chaque étape, l’objectif est d’impliquer les musées et des lieux de mémoire mais aussi les acteurs du tourisme.
“Notre but est qu’il se constitue un écosystème
d’ambassadeurs sur le terrain , où chaque voyageur serait reçu et où il pourrait valider un carnet de voyage physique ou numérique prouvant son passage. Nous n’intervenons pas sur la mise en scène des uns et des autres, à partir du moment où nous partageons le même objectif de transmettre la mémoire et la connaissance“, précise Rémi.
La Route de la Libération travaille avec l’architecte américain Daniel Libeskind qui a réalisé de nombreux musées et mémoriaux liés à la Seconde Guerre mondiale ou à la Shoah. “Il s’est réapproprié cette idée de route et a développé l’idée d’une famille de marqueurs qu’il a appelés “vecteurs”.
"Ce sont à la fois des objets d’orientation, indiquant le chemin à suivre, mais aussi des supports afin de partager des récits de la guerre”, révèle Rémi. “Ces
vecteurs sont aussi pensés comme des symboles , des vecteurs de paix, de réconciliation, de liberté. Nous voulons en faire des représentations positives de ce qui nous unit à travers l’Europe, pas de ce qui nous divise”, conclut-il.
Au-delà de la randonnée, la Route de la Libération a plusieurs objectifs. L’un d’eux consiste à proposer une lecture présentant les différents points de vue en présence : “Nous souhaitons montrer la complexité de la guerre qui n’est pas un récit noir ou blanc”, insiste Rémi. Il s’agit aussi de développer une approche internationale du tourisme de mémoire en créant de nouveaux outils pour des publics différents, qui peuvent voyager à travers l’Europe sur les pas des soldats de 1944-45.
L’obtention du label d’Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe en mai 2019 est la reconnaissance de ce travail minutieux et innovant qui rassemble aujourd’hui 250 partenaires et 9 pays européens, en plus des Etats-Unis et du Canada. Enfin l’objectif est de s’adresser aux
jeunes générations qui n’ont plus forcément de lien direct avec la guerre , à l’heure où les vétérans sont de moins en moins nombreux à pouvoir raconter leur histoire. “C’est tout autant un défi qu’un devoir de porter ce message de paix, de liberté et de réconciliation auprès des générations futures”, poursuit Rémi.
Symboliquement, l’ouverture officielle du chemin pédestre de la Route de la Libération se déroulera à Berlin le 8 mai 2020 à l’occasion du 75ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais il ne s’agit que d’un bout de la Route de la Libération et la fondation compte bien poursuivre son chemin
sur les pas des soldats qui sont arrivés par l’Est et par le Sud de l’Europe : “Nous souhaitons aussi connecter d’autres pays et d’autres régions à l’est et au sud. Nous procédons par étape. De plus, nous espérons ensuite pouvoir développer ce concept par d’autres moyens comme le vélo“, conclut Rémi.
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