Filer sur le Nil, c’est l’assurance de voir défiler les hommes et les dieux. Au fur et à mesure de la descente du fleuve, un étonnant ballet se joue, celui de villes fourmillantes, de paysages séculaires mais aussi de temples somptueux. Louxor, Karnak, Hatshepsout, Philae, une ronde infinie qui permet une immersion profonde dans une culture fascinante. Accoudés au bastingage, les passagers n’ont plus qu’à se laisser porter, l’Egypte fait le spectacle !
Un fleuve trait d’union
Premier fleuve au monde par sa longueur, le Nil est aussi un trait d’union entre les hommes et les dieux, les touristes et les Egyptiens, et une bénédiction pour tout un peuple qui au-delà de son eau - le fleuve assure 97% des besoins en eau du pays -, se nourrit aussi de son activité. Car le Nil, c’est aussi une grande part du tourisme en Egypte, dont la santé s’est bien améliorée ces deux dernières années, et tant mieux, car le secteur fait vivre près de 12 millions d’Egyptiens et représente 12% du PIB. C’est dire combien il est vital pour le pays et combien la reprise des croisières et de l’activité est importante. C’est aussi dire combien certains projets en cours, dont le GBRE (Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne), en cours de construction sur le Nil Bleu, inquiète les autorités du Caire. Le Nil, artère vitale, artère convoitée, disputée…
Au cours de sa croisière au fil du Nil, le voyageur sera également aux prises avec cette joute entre passé et présent, tout aussi fasciné par ces pages d’Histoire qui défilent que par la vie quotidienne qui se déroule sous ses yeux. En quelques jours, de temple en temple, reines et pharaons content leurs histoires : Anubis et son inquiétante tête de chacal, Thot le dieu babouin, Osiris le seigneur de l’au-delà ou encore Isis la déesse magicienne, ils sont tous là, ces dieux qui ont accompagné tous les instants de la vie des Egyptiens. Le temps d’une escale et nous voici à Karnak, à découvrir les centaines de colonnes de l’allée des sphinx, et ce lac qui miroite, entouré de statues démesurées.
À bord, la magie se prolonge, c’est à qui réussira le mieux à déchiffrer les hiéroglyphes, à retrouver derrière chaque signe sa légende. Dernièrement, des archéologues ont découvert dans une paroi rocheuse de Nekheb des signes gravés datés de plus de 5 000 ans, parmi les plus anciennes représentations connues à ce jour, un nouveau rébus composé d’une tête de taureau suivie de deux jabirus d'Afrique dos à dos et surmontés d'un ibis chauve. L'arrangement de ces symboles exprimerait la domination d'une certaine autorité sur le cosmos. Ou l’homme qui défie les dieux ?
Un fleuve source de vie
Les dieux, toutefois, il ne faudrait pas les défier trop longtemps, car si le Nil envoûte et offre ses eaux pour promener les voyageurs, il fatigue aussi, épuisé par l’activité des hommes et une pollution industrielle due au déversement des eaux usées, déchets industriels, agricoles non traités, déchets des bateaux de touristes aussi, parfois, qui rejettent sur les rives plastiques et autres eaux usées. Si depuis 2003, l’Egypte a réagi et mis en place un Plan d’Action National pour l’Environnement (PANE) afin de mieux coordonner sa politique environnementale, beaucoup reste encore à faire.
Heureusement, pour ce qui concerne les croisières, les bateaux stockent quasi systématiquement les déchets à bord avant de les évacuer aux grandes escales, ou via des bateaux de ramassage, mais des embarcations plus modestes abandonnent encore leurs poubelles sur les rives. Toutefois, c’est aussi aux passagers d’être vigilants à cet aspect du voyage. Sinon, ils risquent de nuire à leur propre contemplation, en polluant des paysages idylliques telles ces successions de champs de canne à sucre luxuriants, ces maisons grises alignées et inachevées surgissant de la terre comme autant de fantômes, ces terres brunes et or moissonnées par des paysans intemporels, et bien d’autres tableaux encore… Tant que la magie opère !
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