Au cœur de l’île indonésienne, le village de Munduk et sa région de montagnes présentent le visage authentique de Bali, où la vie rurale s’écoule paisiblement grâce à une abondance de ressources.
De Bali on peut tout aimer. Ses longues plages, soit. Ce n’est pas l’essentiel, loin s’en faut. Il y a ces ciels animés où paradent de lourds nuages qui déversent une lumière de clair-obscur sur les rizières, les bosquets, les lacs ou les montagnes. Ces temples hindouistes grisâtres dont les marches et les autels se couvrent de fleurs multicolores à la moindre solennelle occasion, et les dieux savent qu’il en existe des dizaines. Ces incroyables processions dans la rue en habits traditionnels et effigies de monstres ou d’animaux étranges. Si l’islam est majoritaire en Indonésie, Bali demeure largement hindouiste et sa population est très pratiquante.
Rien de tel pour appréhender la douceur de Bali qui transparaît sur les visages que de s’écarter des sentiers battus. Fuyant les nuées de motos et de néons des petites villes, comme Ubud et ses talentueux artisans du bois sculpté, c’est vers Munduk, au nord, que l’on peut se diriger. La route avale les collines charnues plantées de rizières, de patates douces, de soja, dépasse les villages aux toits de tuile et d’innombrables temples noyés dans un fouillis de verdure tropicale. Des écoliers en sortie taquinent les voyageurs. Un climat plus frais s’installe, l’altitude aidant.
Munduk, situé à 800 mètres d’altitude, est un lieu idéal pour se sentir au bout du monde. Au village, des camions chargés de sacs sont prêts à partir, et une odeur de clou de girofle flotte dans l’air. Perchés sur leurs échelles de bambou, des villageois fourragent dans les branches, un panier ou un sachet à la main. Le spectacle fait frémir : ces échelles sont parfois de simples poteaux munis de minces gradins. Le giroflier est ici une manne luxueuse qui apporte la prospérité aux habitants.
Après la cueillette, les fruits sont mis à sécher quelques jours devant la maison, ou dans la cour, d’où les narines chatouillées des promeneurs. Il ne faut pas aller bien loin pour les voir : certains arbres ont grandi à côté de la maison et donnent à foison. Le clou de girofle de Munduk ne se retrouvera pas dans nos plats : il est essentiellement destiné à l’industrie indonésienne du tabac, pour fabriquer les célèbres cigarettes locales au goût prononcé, les “kretek“, qui contiennent du clou de girofle moulu. Autrefois, bien longtemps avant de devenir une épice de cuisine, les clous de girofle étaient utilisés en médecine chinoise pour traiter quantité d’affections ; ils avaient notamment pour propriété admise d’être antiseptiques et digestifs.
La vallée qui s’étend à perte de vue depuis Munduk est couverte de plantations de girofliers, de vanilliers, de cacaoyers. Dans la forêt touffue, au détour d’un chemin de randonnée qui mène à des cascades, les propriétaires d'une petite plantation de café bio proposent une dégustation de leur “Eco café“ sur une terrasse face aux chutes d’eau. Après la balade, ce nectar est une vraie récompense.