Célèbre pour sa nature et sa faune protégées que les touristes du monde entier viennent admirer, le Costa Rica abrite aussi un centre de ressources qui réalise un travail de fourmi pour réactiver la biodiversité en agriculture. Un détour s’impose pour en comprendre les enjeux.
Sous son volcan actif qui intimide, 3300 mètres d’altitude, la vallée de Turrialba étale de gras pâturages et des plantations de café bordées de forêts tropicales. Tout pousse sur ces collines du centre du Costa Rica, au climat doux et bien arrosé.
À la croisée des routes mais à l’écart des grands circuits touristiques qui sillonnent le pays, il faut poser ses valises au CATIE de Turrialba pour approfondir le thème de la biodiversité et de sa fragilité. Changement climatique, déforestation, pollution des sols et de l’eau, appauvrissement des cultures agricoles : en Amérique latine comme ailleurs, les défis sont énormes et le CATIE, un centre de recherche et d’enseignement en agronomie tropicale, l’explique aux visiteurs de passage qui se sentent concernés.
Organiser une résistance “bio“
Le Costa Rica, dans certaines régions, a par exemple un gros problème de contamination de l’eau par des pesticides qui sont interdits en Europe - Bénédicte Rhoné, en mission de recherche au CATIE.
Cette pollution est due à des décennies de culture intensive de bananiers, d’ananas, de cacao ou de café, avec traitements insecticides et fongicides. Le CATIE, qui œuvre pour toute l’Amérique latine et les Caraïbes, a pour fondement de développer des solutions agro-écologiques à destination des petits producteurs, afin de protéger l’environnement tout en offrant des rendements convenables. C’est ainsi qu’il a, par exemple, mis au point de nouvelles variétés de cacaoyers ou de caféiers plus résistantes aux maladies. Car à terme, c’est la sécurité alimentaire de millions de gens qui est en jeu si les productions baissent ou s’appauvrissent en qualité.
Un campus pour l’agriculture durable
Autour d’un grand bâtiment central aux allures de ranch tropical sont dispersées, dans un immense parc de 45 hectares, de petites unités de projets autour d’un étang où sommeille un caïman invisible. Le soir, il faut veiller à bien fermer son véhicule : la faune n’est jamais très loin, nous prévient-on. Un hébergement est proposé aux touristes et visiteurs de passage.
Le CATIE, financé par les donations internationales dont celles de l’ONG Oxfam contre la faim ou de la FAO, organe de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture, est aussi un campus qui accueille des doctorants du monde entier pour une spécialisation en agriculture durable. Dans le grand jardin botanique attenant, le public peut découvrir une collection de plantes tropicales et notamment certaines variétés résilientes mises au point par les chercheurs.
La banque des graines oubliées
C’est avec émotion que l’on pénètre dans le saint des saints de l’institution : une banque de graines conservées à une température de -20°. Elle regroupe quelque 6200 spécimens, parfois très anciens, comme pour les courges, la tomate, le maïs ou les haricots. Plus de la moitié de ces graines ont disparu des champs depuis longtemps. “Ce lieu nous raconte l’histoire de l’agriculture traditionnelle“, explique Daniel Fernández Rivera, en charge de cet antre des semences créé en 1976. Le recours intensif aux pesticides finit ainsi par provoquer une perte de gènes.
Nombre de variétés ont été remplacées par d’autres pour des raisons de rendement et de résistance aux maladies, mais cela provoque une perte de gènes, et cette résistance s’émousse aussi. - Daniel Fernández Rivera
Changement de mentalité
À tout moment, les trésors du passé ici endormis peuvent reprendre vie, et c’est précisément ce que fait le CATIE, qui travaille en partenariat avec des communautés rurales pour réintroduire des semences abandonnées et ainsi favoriser une plus grande biodiversité. Depuis les années 2000, nous rassure M. Fernández, les mentalités changent. Les petits producteurs de ces régions tropicales se tournent de plus en plus souvent vers le bio et des cultures plus diversifiées. Pour avoir constaté que leurs ancêtres étaient sages en ne mettant pas tous leurs œufs dans le même panier.