Tourisme durable

Au Cameroun, voyage mystique dans les chefferies de l’Ouest

18 Février 2023 - Culture / Histoire / Nature
La région ouest du Cameroun, aux paysages montagneux, est célèbre pour ses royaumes appelés chefferies, où perdurent des cultures ancestrales qui cohabitent avec la modernité et recèlent un patrimoine artistique époustouflant pour les passionnés d’art africain. 

 

Le mont Bamboutos dans l’ouest du Cameroun culmine à 2740 mètres ©LaRoutedesChefferies
Le mont Bamboutos dans l’ouest du Cameroun culmine à 2740 mètres ©LaRoutedesChefferies

 

 
Au fil des jours, nous croyons aux légendes, à un roi qui aurait mesuré 2,60 m, nous croyons à l’esprit qui vit au fond du lac de cratère Baleng et qui pourrait se montrer si nous sommes assez purs pour le mériter. Sur les flancs montagneux de cette région ouest du Cameroun, couverte d’une épaisse forêt couturée de pistes rouges et de rivières cascadeuses, la nature inspire aux humains crainte et adoration.  C’est pourquoi, depuis la nuit des temps, les peuples bamiléké et bamoun de ces Hauts-Plateaux, que l’on découvre à partir de la ville de Bafoussam, conservent-ils dans leurs rituels et dans leur patrimoine artistique les secrets d’un dialogue avec les esprits.
 
 
 
La case “nemo“, temple du peuple bandjoun à la chefferie, s’élève à 23 mètres de hauteur et est couverte d’un toit de chaume ©Perez-LaRoutedesChefferies
La case “nemo“, temple du peuple bandjoun à la chefferie, s’élève à 23 mètres de hauteur et est couverte d’un toit de chaume ©Perez-LaRoutedesChefferies



 

Des rois garants de la tradition

 
Dans cette région dite des Grasslands qui s’étend à l’ouest et au nord-ouest du Cameroun, des micro-royaumes appelés chefferies sont les dépositaires des traditions séculaires qui perpétuent ce dialogue, notamment avec les ancêtres
 
L’existence des chefferies, qui remonterait au XVIIème siècle, a survécu à la colonisation allemande, puis française et britannique. Les rois sont à la fois les relais officiels de l’administration camerounaise auprès des populations locales, et l’incarnation des pouvoirs spirituels et mystiques des Bamilékés et des Bamouns; ils sont aussi les représentants des ancêtres vénérés. Bien souvent, le roi, qui hérite de sa fonction après avoir été validé par un conseil de notables, était dans la vie civile ingénieur, économiste, cadre administratif...

 
 
Le roi de Bangoua Tchatchouang, désigné sous le nom de “fo“ chez les Bamiléké ©Perez-LaRoutedesChefferies
Le roi de Bangoua Tchatchouang, désigné sous le nom de “fo“ chez les Bamiléké ©Perez-LaRoutedesChefferies


 

L’union sacrée entre nature et culture, médiatisée par les objets et représentations, fait tout le charme de ce voyage. Il faut s’envelopper dans la brume du mont Manengouba et contempler les orbites profondes de ses lacs pour
se préparer au choc mystique et esthétique de ces cultures ancestrales
 

Une culture vivante 

 
 À la chefferie Bandjoun, on peut ainsi frémir face à une peau de panthère, symbole de pouvoir du roi, dont les moustaches sont, dit-on, fatales pour l’ennemi : pulvérisées dans un plat de viande, elles perforeraient l’estomac… La symbolique des objets présentés échappe au visiteur occasionnel, il faudrait des années pour en remonter l’histoire et le sens, mais ces mystères et la beauté des œuvres enflamment l’imagination
 
Depuis une vingtaine d’années, une association, La Route des Chefferies, œuvre précisément à la diffusion et à la protection de ce patrimoine artistique en fédérant les musées et “cases patrimoniales“ de plusieurs chefferies. En 2011, l’association a ouvert le Musée des Civilisations de Dschang près de Menoua, dans l’ouest camerounais. 
 
 
Contenant perlé de la chefferie Bansoa, département de la Menoua ©Eyidi-LaRoutedesChefferies
Contenant perlé de la chefferie Bansoa, département de la Menoua 
©Eyidi-LaRoutedesChefferies
 

 

 

Totems, fétiches, masques ou statues perlées, trônes multicolores, serpents ou scorpions sculptés dans le bois, figures de défunts souverains ou même du joueur de football camerounais contemporain Samuel Eto’o, l’art est le socle symbolique des chefferies : il règne en maître des cérémonies et ne connaît pas de frontière entre passé et présent. Seules les sociétés secrètes, des confréries magico-religieuses, ont le savoir absolu sur la signification des œuvres.  


 

Une sortie de sociétés secrètes à Baham, en pays bamiléké. © Perez-LaRoutedesChefferies
Une sortie de sociétés secrètes à Baham, en pays bamiléké.
© Perez-LaRoutedesChefferies


 

De chefferie en chefferie, chez les Bafut, les Bamiléké, les Bamoun, les Bamendjing ou encore les Banka, on peut d’ailleurs assister, si le calendrier est propice, à des danses sacrées célébrant une initiation, des funérailles, un sacrifice ou une cérémonie traditionnelle. Mais c’est aussi dans la vie quotidienne que l’on peut assister à des rituels : dans le fracas d’une cascade, des villageois offrent à l’esprit de l’eau du manioc, des noix de kola… Car si les terres sont ici fertiles et donnent à volonté cacao, café, fruits et légumes ou encore hévéas ou palmiers, c’est bien, selon la croyance, parce que l’équilibre est respecté entre l’ici et maintenant et l’au-delà, les anciens, les esprits, le sacré.
 

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