Tourisme durable

Art autochtone dans l’Ouest canadien :
rencontre avec Roy Henry Vickers

05 Avril 2022 - Art / Culture / Patrimoine / Portrait

Roy Henry Vickers est l’un des artistes autochtones les plus réputés du Canada et partage avec générosité son histoire. Plongée dans la culture autochtone avec ce conteur hors pair, porteur d’une parole rare en français.

 
Great Escape de Roy Henry Vickers ©Roy Henry Vickers
Great Escape de Roy Henry Vickers ©Roy Henry Vickers


 

L’art autochtone au Canada

 
Au Canada, l'art autochtone, comme on nomme l’art des Premières Nations, remonte à la dernière époque glaciaire, entre 80 000 et 12 000 ans avant notre ère, les objets d'art les plus anciens conservés ayant cinq millénaires. 
L’art autochtone fait partie intégrante de la culture quotidienne et se développe jusqu’au contact avec les Européens. Cet art incarne les voix plurielles des Premières Nations et s’inspire d’une relation profonde avec la nature et des liens tissés au sein des communautés. 
 
Les artistes autochtones contemporains s’appuient sur l’histoire de leurs ancêtres et ajoutent une dimension politique à leur travail, notamment pour s’exprimer sur des problèmes sociaux ou environnementaux. 
 
En Colombie-Britannique, certains artistes autochtones possèdent des galeries. Parmi elles, la galerie Eagle Aerie à Tofino. Située dans une maison traditionnelle, elle appartient à l’artiste Roy Henry Vickers. On peut y voir (et y acheter) ses œuvres.
 
 
La Eagle Aerie à Tofino ©Aurélie Croiziers de Lacvivier
La Eagle Aerie à Tofino ©Aurélie Croiziers de Lacvivier


 

Un artiste hors du commun

 
Roy Henry Vickers est né en 1946 dans le village de Kitaka, aussi nommé Greenville, dans le nord de la Colombie-Britannique. Son père est un pêcheur originaire de trois Premières Nations de la côte Nord-Ouest, les peuples Tsimshian, Haida et Heiltsuk. La mère de Roy, de parents anglais immigrés au Canada, est institutrice. Cet héritage métissé influence fortement l'art de Roy. Ses peintures prouvent sa maîtrise de l’iconographie autochtone, apprise auprès de son grand-père, tailleur de pirogue. 
 
 
Dans ses premiers travaux, Roy contourne son daltonisme en utilisant du noir, du blanc et du rouge, les couleurs qu’il discerne. Dans ses peintures ultérieures, les couleurs sont toujours vives, souvent primaires. Son art est pour beaucoup un hommage à la nature.
Ce talentueux artiste partage la vision d’un art à la fois traditionnel et contemporain, personnel et universel.

 
Roy Henry Vickers ©DR
Roy Henry Vickers ©DR

 

 

Des discriminations à l’art qui relie

 
C’est adolescent que Roy vit ses premières discriminations, qui le poussent à se questionner sur son identité.
 
"J’ai réalisé que j’étais le seul Amérindien à l’école, au milieu de faces blanches. C’est là que j’ai senti ma différence."
 
Cette épreuve le force à comprendre la culture de son père dont il tombe amoureux. "Mon art, c’est l’héritage de mes aïeux. J’ai voulu montrer l’art et la culture d’une culture non reconnue. J’ai commencé à créer des images à la fois inspirées de mes ancêtres et de mon environnement. Désormais, je passe ma vie à partager la culture autochtone de la côte Nord-Ouest, cette culture ignorée par les colons européens."
 
 
Story Teller de Roy Henry Vickers ©Roy Henry Vickers
Story Teller de Roy Henry Vickers ©Roy Henry Vickers

 

 
Dans sa conception comme dans celle des Autochtones, la vision du monde, de la culture au langage, est dictée par l’environnement. Tout est art : les habits, les instruments de cuisine, les maisons, cet art est connecté à la vie de gens. Sur la côte Pacifique, même pêcher pouvait être un art, en s’exprimant à travers les pratiques artistiques principales telles que le dessin, la sculpture, la danse et le chant, où chacun était storyteller, conteur d’histoire. 
 

Un art avant tout spirituel

 
L’artiste revient sur l’importance de sa lignée.
 
"Mes ancêtres sont engrammés en moi, ils sont une part de qui je suis. Aujourd’hui la science nous prouve qu’une part de nos aïeux est bel et bien dans notre ADN. Ils m’inspirent plus que jamais."
 
Adolescent, alors qu’il discute avec son grand-père, Roy entend les cloches sonner et lui demande pourquoi il ne va pas à l’église. L’ancien désigne la nature autour d’eux et explique : "c’est ça mon église. Dieu est là, le créateur est partout, je me sens plus spirituel dehors que dans un bâtiment."
 
Cet homme qui n’est jamais allé à l’école et a élevé neuf enfants, devient le héros de Roy. La spiritualité transmise en héritage le sauve d’une jeunesse difficile, où Roy fréquente notamment les écoles résidentielles, ces anciens pensionnats pour Autochtones aujourd’hui très controversés.
 
 
The Lone Bull de Roy Henry Vickers©Roy Henry Vicker
The Lone Bull de Roy Henry Vickers©Roy Henry Vicker

 


Les quatre points cardinaux sont essentiels pour l’artiste. L’Est est la direction de l’enseignant, le Sud, celle du guérisseur, l’Ouest celle du visionnaire et enfin le Nord celle du leader. Ces directions inspirent les gens qui font face à des difficultés. Sur la guérison, Roy précise : "La guérison se produit quand on peut récupérer les parts perdues de soi-même et qu’elles s’unissent enfin en soi. Alors son cœur s’ouvre, pas seulement par la conscience de son esprit, mais aussi par la conscience du cœur lui-même. On ne peut être un guérisseur qu’en partageant sa propre histoire. Être guérisseur, c’est quand sa propre connaissance devient vivante."
 
A 75 ans, Roy Henry Vickers continue de travailler sur de nouveaux projets.
 
"Je travaille notamment sur un nouveau livre en hommage à un ami sculpteur décédé.
En vieillissant, je réalise que la vie est courte.
Je souhaite vivre en bonne santé jusqu’à 100 ans et continuer à raconter des histoires, comme avec notre rencontre qui me permet de continuer à en raconter !"