Face à l'adversité de la nature et l'Histoire, la foi chrétienne a été le véritable ciment de l'identité arménienne. Visite de ce territoire enclavé qu'est l'Arménie entre églises et monastères.
La grande majorité des églises et monastères sont égaillés en pleine nature, embusqués dans le pli d’un vallon, perchés sur une colline entourée d’herbes folles, au mieux reclus au bout d’une ruelle de village abandonnée aux feuilles des peupliers.
Le monastère de Tsaghatskar, perdu dans le vert des monts Vardenis, est l’une de ces ruines héroïques auxquelles on n’accède qu’au prix d’une longue randonnée entre églantiers et arbres fruitiers. La grimpette s’effectue en croquant moult prunes et petites poires vertes cueillies à même la branche. On découvre alors une tribu d’églises du Xème siècle à la coupole encore vaillante. Vatchik Simonian, gardien des lieux depuis bientôt 30 ans, passe ses journées à l’ombre d’un chêne, sanglé dans un veston à carreaux élimé.
Le site abandonné dans la précipitation au début du XVème siècle avant l’irruption des hordes de Tamerlan, regorge de légendes de trésors enterrés. La tradition raconte qu’ils étaient souvent cachés sous les khatchkars, ces grandes stèles ornées de croix sculptées, et à plusieurs reprises Vatchik en a retrouvé quelques-unes renversées par des pillards.
Khatchkar, la croix sans la bannière
On les trouve dressées autour des églises ou dans les cimetières, gravées dans le mur des monastères ou le parapet d’un pont, leur face sculptée toujours tournée vers l’ouest. Érigées pour le salut de l’âme d’un défunt ou pour commémorer une victoire militaire ou un événement historique, elles incarnent une vénération de la croix, symbole de préservation de l’identité chrétienne et de l’identité culturelle arménienne.
Les khatchkars semblent apparaître au IXème siècle. Elles figurent de préférence la croix en tant que symbole de la résurrection et de la vie éternelle, un arbre de vie aux bras bourgeonnants et aux pieds prolongés de racines ; le Christ y est rarement représenté et quand il l’est, il ne semble pas souffrir, comme s’il était simplement « posé » sur la croix, son sang évoqué subtilement par une grappe de raisin ou une grenade.
Le pays compterait encore 40 000 de ces joyaux.
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