Tourisme durable

Afrique du Sud : Le Cap ou la maîtrise de l’eau

12 Juin 2018 - Actualité / Initiatives / Préservation

Depuis plusieurs années, la région du Cap occidental en Afrique du Sud souffre de grandes sécheresses et d’un dérèglement climatique important, particulièrement depuis trois ans. Les pluies sont insuffisantes pour assurer les besoins en eau de la ville, qui eux ne cessent d’augmenter. D’une crise grave ressort un phénomène extraordinaire, un vrai changement de culture et de mentalité faisant du Cap une ville exemplaire dans le monde. Quand l’union fait la force, tout devient possible.

 

 
La ville du Cap dominée par Table Mountain ©Travel Start
La ville du Cap dominée par Table Mountain ©Travel Start
 
 
Le niveau d’eau dans les barrages, première source d’approvisionnement de la mégapole de 4 millions d’habitants, est dramatiquement bas. Depuis 2015, la sécheresse a changé le rapport des citoyens à l’eau. Ils ont progressivement adopté de nouveaux comportements avec un seul but : économiser l’eau. Le 1er février 2018, la ville en état de catastrophe naturelle, atteint un niveau de restriction d’eau de niveau 6B. Une consommation de 50 litres par jour et par personne devient alors la norme nécessaire pour éviter l’arrivée du jour zéro, « day zero » en anglais, où l’eau ne coulera plus aux robinets.
 
 
Theewaterskloof, le principal réservoir de la ville du Cap quasi asséché ©National Geographic
Theewaterskloof, le principal réservoir de la ville du Cap quasi asséché ©National Geographic

 

Au Cap, chaque goutte compte

 
Qu’est-ce que le jour zéro ? C’est lorsque que le gouvernement fermera tous les robinets et établira le rationnement des ressources à 25 litres par personne distribués dans des points de collecte. Cette « alarme écologique » arrive quand le niveau d’eau des barrages et réservoirs de la ville atteint le seuil critique de 13,5 % de ses capacités. Ce jour zéro initialement annoncé pour le 12 avril 2018 a été repoussé puis évité de justesse pour cette année.
 
Sa date n’est pas figée, elle change régulièrement en fonction de la consommation et témoigne des réels efforts consentis par les habitants du Cap. Comme nous l’explique Florian, un Français installé sur place : « Personne n’imagine vraiment ce que signifie réduire sa consommation en eau avant que cela arrive à une situation si critique. Ça peut paraître insurmontable comme changement, car tout le monde pense que l’eau est comme un droit humain naturel. La première chose que j’ai faite : installer un minuteur dans la salle de bains pour m’assurer que je ne dépasse pas les deux minutes sous la douche. »
 
L’inquiétude et l’anxiété face au jour zéro ont laissé place au bon sens, à la créativité et à l’innovation.
 
 
 
Campagne de sensibilisation ©City of Cape Town
Campagne de sensibilisation ©City of Cape Town
 
 

Transformer le voyageur en acteur du changement

 
La ville du Cap a changé son rapport à la ressource eau et encourage tout le monde à devenir plus responsable. Dans le domaine du tourisme, c’est encore plus visible. Ce secteur, principal moteur économique de la ville du Cap et de la région du Cap occidental, a misé sur l’éducation et la sensibilisation. La région accueille presque deux millions de visiteurs chaque année contribuant au développement d’environ 300 000 emplois. Annuler son voyage en Afrique du Sud à cause de la sécheresse mettrait un coup à l’économie locale. Une autre solution a été trouvée : demander aux voyageurs de se comporter comme des Sud-Africains, en respectant le concept de « water wise tourism », sorte de tourisme économe en eau.
 
 
 
 
Bienvenue au Cap ©Responsible Tourism Cape Town
Bienvenue au Cap ©Responsible Tourism Cape Town
 
 
Une sensibilisation omniprésente rappelle avec des messages ludiques et percutants qu’il est important d’économiser l’eau à tout moment. Les bonnes pratiques du voyageur averti au Cap sont nombreuses et facilement transposables ailleurs dans le monde. 
 
Quelques exemples :
 
À l’aéroport, les robinets sont coupés dans les toilettes, remplacés par des flacons de désinfectant pour les mains. Des messages indiquent de ne tirer la chasse d’eau que si c’est nécessaire, parfois avec plus d’explication, « Nous utilisons jusqu’à 10 litres à chaque fois. Si les 4 millions d’habitants du Cap tiraient la chasse d’eau une fois de moins par jour, nous économiserions 40 millions de litres d’eau par jour ! ».
 
Dans les douches, il y a un sceau pour récupérer l’eau froide avant que la température augmente. Le gros bouton de la chasse d’eau est inutilisable, le bouchon dans la baignoire a disparu et la pression de l’eau a diminué. On vous conseille aussi d’utiliser un verre pour se rincer les dents après brossage pour éviter de laisser le robinet couler.
 
De nombreux restaurants se sont adaptés à la situation. Le sol de l’établissement est lavé grâce à l’eau récoltée des blocs de climatisation, les clients acceptent que leurs couverts ne soient pas changés à chaque plat. À certains endroits, on est servi sur des supports jetables et recyclables évitant ainsi de laver des milliers d’assiettes par semaine. Dans les bars, on bénéficie même d’une ristourne sur la bière si on la boit sans verre !
 
 
À l’aéroport du Cap ©Responsible Tourism Cape Town
À l’aéroport du Cap ©Responsible Tourism Cape Town
 
 
On voit apparaître des systèmes de débrouille géniaux, les discussions tournent autour des solutions “DIY – Do It Yourself”. Il existe un site internet, 2 Minute Shower Songs, pour télécharger des chansons spécialement créées par des groupes de musique locaux qui durent seulement 2 minutes. 
 
Différents outils sont disponibles en ligne pour calculer sa consommation et trouver des astuces pour économiser l’eau pendant son voyage. Un autre projet a vu le jour, similaire à la compensation carbone, la compensation H2O qui permet de reverser sa surconsommation dans un projet de conservation de l’eau.
 
 
 
 
Campagne de sensibilisation ©City of Cape Town
Campagne de sensibilisation ©City of Cape Town
 
 
La bonne nouvelle, c’est que la ville du Cap a vu sa consommation passer de 1,2 milliard de litres par jour en 2015 à 521 millions aujourd’hui. Un chiffre très encourageant qui reste néanmoins en dessous de l’objectif, fixé à 450 millions de litres. L’éducation, la sensibilisation, les amendes infligées aux foyers qui consomment plus de 6 000 litres par mois, la mise en place de compteurs de surveillance ont joué dans la réduction de la consommation d’eau.
 
Ainsi que la hausse des tarifs de l’eau - plus on consomme, plus on paie – et la réduction de la pression et des fuites. Pour cette année, Le Cap semble tiré d’affaire mais la crise de l’eau n’est pas terminée. À long terme, les usines de dessalement semblent être la véritable solution alors même qu’elles entraînent un coût énergétique et des rejets chimiques importants. En attendant des systèmes d’énergie propre pour désaliniser l’eau, réduire la consommation de chacun est la priorité. Avec l’arrivée de l’hiver austral en Afrique du Sud, on croise les doigts pour que les pluies soient au rendez-vous !
 
 
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