Il suffit d’ouvrir le portail en bois au-dessus duquel flotte un drapeau de pirates pour se sentir en harmonie avec la nature et vos sens. La petite brise fait tinter les mobiles à vent en bois accrochés aux poutres de la véranda, le coucher de soleil sur la vallée offre un spectacle reposant tandis qu’émane de la cuisine une douce senteur d’épices. Le premier à vous accueillir est Shukra, un pointer mixte, suivi par Pawel Sikorski toujours d’humeur égale avec un sourire jamais feint.
Loin des complexes touristiques de masse que propose l’île, les yourtes représentent un moyen de se ressourcer en pleine nature, grâce à un concept tourné vers le tourisme individuel et éco-responsable, l’unique en son genre sur toute l’île. Et pour cause, il ne s’agit pas d’un simple hébergement mais d’une philosophie, d’un état d’esprit et d’un mode de vie. Avec son amie Justina Luzniak, Pawel a rendu ce lieu tellement convivial qu’il ressemble à une maison de campagne que l’on est impatient de rejoindre le week-end.
Pawel est polonais et a fait ses dents dans l’industrie hôtelière, bien que son style de vie en ait été à mille lieux. En 2009, dans le tumulte de Londres où il travaille pour une grande chaîne d’hôtels de luxe, il comprend que rien de tout ça ne lui correspond. "J’étais sur le point de faire une dépression, raconte-t-il, et un ami m’a suggéré de devenir autoentrepreneur avec quelque chose qui me corresponde. Tout était encore un peu confus dans ma tête mais je savais que je devais partir". Après avoir traversé toute l’Europe en voiture, Pawel arrive à Chypre. "Pourquoi cette île ? parce qu’il y a des murs d’escalade, ma passion", avoue-t-il. Aussi simple que ça.
C’est pendant cette pause chypriote que prend forme l’idée d’un hébergement durable qui serait aussi une source de revenu. "Après quelques mois, je savais que je ne voudrais plus repartir sur un emploi traditionnel, salarié. Je me suis rendu compte que ce départ a été ce qui pouvait m’arriver de mieux", explique Pawel.
Les yourtes s’imposent comme une évidence en termes de durabilité et de respect environnemental. Le terrain, il le trouve dans la vallée de Simou au sud-ouest de l’île, sur une colline située à mi-chemin entre la vallée des cèdres qui abrite des mouflons et la mer Méditerranée. Le rêve débute en 2013. Pawel fait venir 3 yourtes directement de Mongolie qu’il installe avec l’aide d’un ami. Il y a et il n’y aura que 3 yourtes. Si vous lui demandez pourquoi, il ne veut pas en avoir plus, il vous répondra : "Pourquoi pas ? Mais après une quatrième, ce sera une cinquième et puis le rêve se termine en cauchemar". Chacune d’elles porte un nom mongolien : NASU, la plus grande, qui peut se traduire par santé, ENGKE qui signifie paix et QADAN pour falaise car c’est la yourte la plus proche de la rivière.
Si cet hébergement est devenu un projet unique sur l’île, c’est parce qu’il est accompagné d’un style de tourisme individuel privilégiant le zéro déchet, le recyclage et l’utilisation des ressources naturelles. Chacune des yourtes est décorée avec soin et aménagée qu’avec du bois : tables, chaises, commodes, sommiers, lits d’appoint. Elles disposent toutes d’une cheminée et, à l’extérieur, d’un deck en bois avec un hamac et une petite table, et un espace douche et des toilettes chimiques.
Le confort intérieur est total, y compris accès à internet et électricité. À l’entrée du site se trouve le lieu de vie de Pawel et la salle à manger commune pour le petit-déjeuner, confectionné uniquement avec les produits locaux : fromage frais, pain, confiture, œufs, tomates et concombre, olives. Les panneaux solaires fournissent l’électricité, l’eau est recyclée pour l’arrosage, un compost est installé et du bois pour les cheminées est fourni. Les bouteilles d’eau sont en verre et le soir, avant de regagner votre yourte, vous pouvez disposer d’eau chaude dans une thermos pour votre tisane.
"On tente de se rapprocher le plus possible du zéro déchet et chaque client est encouragé à tenter l’expérience, par exemple, en se passant de bouteilles en plastique pour le week-end", explique notre hôte. Lorsque vous partez en randonnée, vous pouvez également vous munir d’une des nombreuses gourdes.
Ici les clients partagent le petit déjeuner à la même table dans un moment convivial avant que chacun ne vaque à ses activités, tandis que le soir, chacun est libre de partager un repas ou se restaurer dans la yourte. Les menus cuisinés par Justina et Pawel sont simples et savoureux. Et végétariens. Un peu par conviction et un peu par commodité, pour éviter les supermarchés. Mais personne ne sera jugé pour ses goûts alimentaires et vous pourrez proposer de partager un saucisson sans être suspect ! Pawel lui-même se dit volontiers flexitarien, entendez flexible. À ne pas rater : les tisanes préparées par Justina à base de produits qu’elle trouve lors des randonnées : feuilles d’olivier, origan, graines de poivre, citronnelle. "C’est une expérience que je voulais tenter : utiliser seulement ce qui est à ma disposition", avoue-telle.
Mais Rome ne s’est pas construite en un jour ! C’est là que ce lieu prend toute sa dimension et en fait son charme : depuis 2013, Pawel travaille chaque jour sans relâche pour construire, aménager, planter, restaurer : à son actif, il a construit seul une maisonnette en bois "KILOBA" (le nom d’un chapeau de berger), qui peut accueillir 4 personnes en autonomie, installé les panneaux solaires, aménagé des terrasses verdoyantes et planté des centaines d’arbres, restauré les yourtes dès qu’il le fallait. En contre-bas des yourtes, Pawel a aussi construit un deck pouvant accueillir des séances de yoga ou des concerts de musique. Son cadeau d’anniversaire ? Une matinée en tractopelle avec son ami Kyriakos pour apprendre à creuser. Loin donc de l’atmosphère aseptisée des halls d’hôtels londoniens. L’avenir, il le voit en capacité d’autonomie alimentaire : potagers, serres.
Pawel et Justina utilisent tout le potentiel de leur environnement immédiat pour proposer des activités : des balades à pied ou à vélo de 3 à 14 kilomètres selon vos envies, un réservoir d’eau sur lequel on peut s’essayer au Stand Up Paddle, la péninsule encore préservée de l’Akamas avec ses chemins de randonnée, mais encore les kilomètres de plage, une sortie en bateau sur la Méditerranée, la route des vins, des sorties à cheval ou encore la visite de vieux villages. Si vous êtes passionné comme eux d’escalade, des rochers sont aménagés à quelques kilomètres de Simou.
Mais vous pouvez aussi ne rien faire et seulement vous détendre. Car il n’y a pas plus reposant et ressourçant que d’observer les étoiles, assis sur le deck de la yourte, puis de se lover dans une couette avec un bon livre pendant que crépite le feu de cheminée.