Le gruyère fleure bon la montagne suisse, tant et si bien, qu'il a donné son nom à la région, ajoutez-lui un S et vous aurez la cité médiévale Gruyères. Si l'on vient se gaver de fromage et de double crème, on tombera aussi nez à nez avec de drôles de Barbus.
Ce fut comme une apparition. Quand Félix Girard surgit, je crus un instant que Dieu s'était matérialisé devant mes yeux ébahis. Longue barbe blanche, yeux bleus clairs et doux, veston brodé, chemise dessinant de larges épaules carrées, ceinture brodée, capet sur la tête, une pipe à la main et une vieille canne sculptée. Félix Girard, président d'une confrérie qui répond au nom viril des Barbus de la Gruyère. Une force de la nature aux allures de vieux sage philosophe qui ne vit pas au ciel, mais dans le canton de Gruyère.
« Dans notre société, est accepté tout homme ayant une barbe fleurie, naturelle et non taillée, la plus longue possible avec les cheveux courts. On veut également des gens qui ont de la terre sous les souliers. »
Entendez, qu'ils n'accueillent pas les hispters start-uper qui usent leur doigt sur des portables à la pomme mais des hommes qui s'inscrivent dans la tradition des armaillis, ce symbole de l'économie alpestre : « Autrefois ces bergers pour vaches, grimpaient à l'alpage pour garder le troupeau et fabriquer le fromage. Aujourd'hui nous sommes moins nombreux mais notre canton est toujours le plus agricole de la Suisse Romande. »
Mais pourquoi la barbe ? « Car à l’alpage, les armaillis avaient autre chose à faire que de se couper les poils du menton. Personnellement, ça fait 16 ans que je la laisse pousser. » Felix n'est pas le seul spécimen authentique de barbus, aujourd'hui cette société « unique au monde » compte 25 membres. Moyenne d'âge 67 ans. Mais le succès est assuré dans les fêtes locales.
« On est de plus en plus demandés, pour représenter la tradition ! Des photos de nous circulent sur les réseaux sociaux du monde entier, gros succès avec les Japonaises. On espère que cette médiatisation va amener quelques petits nouveaux », conclut Félix Girard, le benjamin de la confrérie des Barbus, jeunot de 56 ans. Avis à tous les barbes à papa suisses.
« Une semaine sans fondue, une semaine de perdu ». Avec cette sentence qui nous accueille à la fromagerie-buvette Les Invuettes, 897 mètres d'altitude, je présume qu'on va rattraper le temps perdu ! Cette devise inscrite au fronton du chalet pourrait bien être la devise de la région de la Gruyère.
« Vous êtes ici dans le berceau du Gruyère, ici on fabrique du vrai gruyère sans trou. » Ironise Gérard Biland, le maître fromager des lieux. «Les Français ont pris la mauvaise habitude d'appeler leur Emmental du nom de Gruyère. Mais on ne joue pas dans la même cour, les Suisses en produisent chaque année 28 000 tonnes quand vous arrivez péniblement à 2 000. » Et notre accompagnateur en montagne Cyrille Cantin d'en rajouter une couche : « Si on les mettait tous sur la tranche, on pourrait les aligner jusqu’à la place du Palais du Reichstag, à Berlin. » En bonne franchouillarde butée, native « d'un pays où il existe 258 variétés de fromage », ingouvernable, selon Charles De Gaulle, difficile d'admettre qu'il n'y a pas plus suisse que ce fromage à pâte dure labellisé AOC depuis 2011. Il faut donc s'incliner devant nos voisins helvètes.
Pour préparer son voyage :
http://www.suisse.com/allibert
http://www.la-gruyere.ch/
À lire aussi :
- Alpine Pearls : des vacances en montagne en mode durable et doux
- Et si vous partiez cet été pour un voyage en train à travers la Suisse ?