C’est au bord du Mékong qu’une initiative pour la protection des éléphants bouscule tout un village laotien. L’équipe du Mekong Elephant Park transforme progressivement la vie de quelques éléphants et de toute une communauté locale. Lors de votre prochain voyage au Laos, foncez rencontrer les éléphants heureux de Pakbeng !
Dans le Nord-Ouest du pays, Pakbeng est une étape incontournable lors d’un voyage sur le Mékong entre Houay Xay, à la frontière thaïlandaise, et Luang Prabang, ancienne capitale royale. Loin de la cadence effrénée du monde moderne, la vie à Pakbeng est rythmée par le chant du coq et les flots du Mékong. Au cœur de la jungle et des maisons en bambou sur pilotis, découvrez un lieu de vie où l'éléphant est respecté et chouchouté. On vient au Mekong Elephant Park pour rencontrer ces émouvants pachydermes, comprendre leur mode de vie et en savoir plus sur la culture locale laotienne.
Dans les pas du Centre de Conservation des Éléphants (ECC) de Sayaboury, structure pionnière et exemplaire au Laos et en Asie, le Mekong Elephant Park (MEP) s’engage à prendre soin des éléphants, leur redonner dignité, santé et joie de vivre. Les missions sont multiples : soutenir la reproduction, accompagner leur reconversion et celle des cornacs vers des activités écotouristiques durables et sensibiliser le public sur leur situation actuelle au Laos.
Depuis plusieurs mois, une tornade d’énergie s’épanouit au milieu de la jungle et des éléphants : Wendy Leggat. Responsable du parc, cette jeune femme franco-anglaise est une autodidacte passionnée. Elle apprend chaque jour un peu plus sur les éléphants et s’intègre dans ce village laotien avec une grande aisance. À Pakbeng, elle aime partager, vivre et sensibiliser son entourage à la cause des éléphants du Laos.
« Quand on sait que les éléphants sont parmi les animaux les plus intelligents et sensibles qui soient et qu’ils vivent naturellement en groupe, on ne peut qu’être révolté face à leur sort en Asie et avoir envie d’agir ! » nous lance d’emblée Wendy.
Une vingtaine de personnes travaillent au parc. Cornacs, artisans, dont un forgeron et des tisserands, jardiniers, personnel technique, cuisiniers et le bras droit de Wendy, Ta, le seul anglophone. Dans cette équipe soudée, tout le monde trouve sa place et joue parfois plusieurs rôles.
« Les cornacs sont aussi des artisans, fabriquent des couteaux, des objets en bambou. Le forgeron fait de petits travaux sur le site, les jardiniers font des bols en bois. »
Le parc ne s’occupe pas uniquement des éléphants, il crée de l’emploi pour les villageois, en mettant en avant la culture locale et les métiers traditionnels. Les visiteurs peuvent passer du temps sur place, visiter la ferme Hmong jouxtant le parc et son petit musée attenant, ou encore faire des achats éthiques dans la petite boutique d’artisanat local du parc.
Le Mekong Elephant Park possède trois éléphants : deux femelles et un mâle. Mae Ping, 20 ans, est la plus jeune. « Elle fait ce qu’elle veut quand elle veut. Elle n’a jamais travaillé et a un caractère bien trempé. » Mae Kham, 55 ans, a passé 30 ans à travailler en forêt. « Elle est très fatiguée, surtout aux articulations. Son caractère va de pair avec son âge, elle dégage une grande tranquillité. » Enfin Kham Poun, le mâle de 26 ans, il n’est là que depuis 3 ans, il travaillait en forêt.
« C’est plus dur avec lui, on a beau le faire marcher, il ne se dépense pas autant que dans le passé. Les mâles sont plus difficiles à gérer que les femelles, ils sont solitaires voire agressifs, particulièrement lors des périodes de musth, cycle d’activité sexuelle pendant lequel les éléphants mâles entrent en compétition.»
De nombreuses initiatives mises en place au parc ont vu le jour grâce à l’aide précieuse de l’ECC de Sayaboury. « Ce sont de grands spécialistes de la protection des éléphants, ils ont une équipe d’experts, de biologistes, de vétérinaires et des volontaires. » Quand Wendy a une question, un doute, elle n’hésite pas à les appeler. « Ils nous soutiennent pour tenter la reproduction de notre femelle, en la prenant dans leur centre pendant la saison des pluies. Ils nous ont aidés à mettre en place la clôture électrique, à organiser le parc, les espaces de socialisation et la structure des activités. Nous ne sommes pas du tout en compétition, nous avions besoin d’aide et ils ont été là pour partager leurs connaissances, nous avons tous une seule motivation : protéger les éléphants. » Pour poursuivre ce formidable travail, s’occuper des éléphants et en acquérir d’autres, le parc a besoin de visiteurs.
Dès que les visiteurs arrivent, Wendy expose tout de suite les valeurs et la vision du parc. On ne vient pas au MEP pour grimper sur le dos des éléphants ou prendre le bain avec eux, on vient pour les comprendre et les observer.
« Certains peuvent être déçus en arrivant et trouver l’interdiction du « no riding » radicale mais il suffit d’échanger et d’expliquer la situation. A priori, on se dit que l’éléphant domestique est habitué à porter des charges bien plus lourdes que 2 ou 3 personnes, que leur cornac leur monte bien dessus. Mais le problème c’est tout ce qui va avec. Les éléphants attendent en plein soleil, font la même chose toute la journée au service du visiteur, ils ont moins le temps pour socialiser, manger et se reposer. On les force à s’adapter au rythme de l’homme, alors qu’au MEP, on pense que ça devrait être l’inverse, et que le plus important, avant la distraction d’un touriste, c’est le bien-être de l’animal. »
Le billet d’entrée d’une trentaine d’euros donne accès au site pour toute la journée, une option idéale pour passer du temps dans une nature préservée à observer les éléphants au bord du Mékong. Différentes activités sont organisées tout au long de la journée. Le matin est réservé aux moments privilégiés avec les éléphants, en tête à tête. Attention, rien n’est figé dans les horaires, car le parc n’adapte pas le quotidien des éléphants au planning des voyageurs. Vous les accompagnez en forêt, marchez à côté d’eux, assistez à leur bain et pouvez même leur donner quelques bananes. L’équipe rappelle que 99% de leur alimentation est naturelle.
« Cela fait partie de notre programme, nous les encourageons à chercher seuls leur nourriture. Selon la saison et leur forme physique, on est obligé de compléter avec des fruits et des boules de vitamines naturelles. »
Wendy est arrivée à convaincre son équipe que le nouveau fonctionnement du parc ne diminue en rien le rôle prépondérant des cornacs et l’afflux de visiteurs. « Les cornacs sont essentiels, c’est eux qui connaissent le mieux les éléphants. On n’en saura jamais autant qu’eux. Notre démarche est donc dans la transmission et la valorisation de leur savoir. Je les encourage à partager leurs connaissances avec les visiteurs, tout ce qu’ils savent sur les plantes par exemple, sur ce qui est bon pour l’éléphant ou ne l’est pas. Le projet a été accepté par tous dès que les premiers visiteurs ont montré leur satisfaction. »
Actuellement, le MEP s’occupe d’une troisième femelle, Mae Bounma. Elle a vécu longtemps attachée sur le bord de la route en attendant d’être vendue. Mais personne ne souhaitait l’acheter à cause de ses handicaps physiques et ses nombreuses blessures, notamment à sa trompe. Elle ne peut pas barrir et met plus de temps à respirer et boire.
« Depuis qu’elle est au parc, elle s’amuse, socialise et se baigne avec les autres éléphants en toute liberté, quelque chose qu’elle ne faisait plus depuis si longtemps. »
Le parc a trouvé un accord avec ses propriétaires pour la louer jusqu’à réunir la somme d’argent suffisante pour l’acheter. Le prix d’un éléphant aujourd’hui au Laos s’élève au minimum à 30 000 euros. Au vu de sa condition physique, le parc a pu négocier et baisser le prix de moitié. Une campagne de financement participatif est en cours pour financer l’achat de Mae Bounma.
« Partagez son histoire, venez nous rendre visite et parlez de nous ! »
conclut Wendy, déterminée.
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