C’est au printemps 2014 que j’ai eu l’occasion de me rendre pour la première fois en Macédoine, cette petite république à l’écart des grands circuits touristiques qui faisait anciennement partie de la Fédération de Yougoslavie et indépendante depuis 1991. À la suite d’une interview de l’alpiniste macédonienne Ilina Arsova, cette dernière m’a lancé une invitation à partir à la rencontre de son pays ; et j’ai eu envie de découvrir de mes propres yeux ces contrées dont on parle encore assez peu, qui regorgent de trésors naturels et culturels. J’étais loin de me douter que je m’y rendrai à nouveau, touchée par des rencontres et des lieux.
Rencontre avec le lac Ohrid
Il est près de trois heures du matin lorsque j’atteins par une nuit étoilée la maison d’hôte d’Ilina sur les bords du lac Ohrid, situé dans le sud du pays, après avoir roulé deux heures depuis la capitale Skopje. Ce n’est que le lendemain, journée radieuse et baignée d’une lumière pure de fin d’hiver, que je peux enfin contempler les environs dans toute leur beauté : un lac couleur saphir, doté d’une forme ovale parfaite, entouré de montagnes enneigées, qui culminent entre 2000 et 2500 mètres, et parsemé de petits villages sur ses bords.
Classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, ce lac est un des plus profonds d’Europe et des plus anciens du monde avec les lacs Titicaca au Pérou et Baïkal en Sibérie. Il est renommé pour ses eaux claires et sa flore et faune riches et variées, qui comprennent plus de deux cents espèces endémiques. Il communique par un complexe réseau karstique souterrain avec son voisin le lac de Prespa, l’ensemble se situant à la frontière de trois pays, la Macédoine, l’Albanie et la Grèce.
Ski de randonnée dans le Parc National de Galicia
Début avril, une bonne façon d’évoluer au sein de ces paysages superbes est la pratique du ski de randonnée. Sans hésiter, nous chargeons la voiture et prenons la petite route qui serpente à travers le Parc National de Galicica et s’élève rapidement pour arriver à un col. De là, nous chaussons les skis et traversons une dense forêt de chênes et bouleaux, puis passons au-dessus du couvert forestier.
Nous dominons de plus en plus le lac et la vue est tout simplement à couper le souffle : un grand miroir d’un bleu hypnotisant s’étale sous nos yeux et les montagnes d’Albanie se détachent au loin.
Après une pause à contempler les lacs Ohrid et Prespa, Ilina s’élance la première depuis le sommet de Galicica sur une immense pente blanche qui se déroule jusqu’à la forêt.
Au cours de la marche qui nous ramène à la voiture, les sujets de conversation ne manquent pas et Ilina est intarissable sur son pays, les beautés de ses montagnes sauvages, ses richesses culturelles et son histoire ancienne. C’est une fois de retour chez elle, près du poêle, autour d’un bon thé chaud, que je l’écoute avec beaucoup de curiosité me parler de tout ce qui l’anime.
Portrait d'une passionnée
À seulement 35 ans, Ilina a déjà accompli ce que peu de personnes ont à peine imaginé ou rêvé. Pilote de parapente et grimpeuse accomplie, c’est au début de la vingtaine qu’elle succombe à l’ivresse des hauts sommets. Au fil des ans, le Mont Blanc, l’Aconcagua, Denali ou encore l’Everest seront le décor de ses exploits en montagne. Des expéditions légères, en pur style alpin, fidèles à une éthique qui est fondamentale pour elle.
Première femme de son pays à gravir le toit du monde, elle envisage de relever le défi de gravir les plus hauts sommets de chaque continent, les Sept Sommets, et s’est récemment ouverte au télémark de haute altitude. C’est également au cours de ses nombreux voyages qu’elle a réalisé dessins, peintures, croquant scènes de vies et paysages, exposant en Macédoine et dans des festivals et galeries à l’étranger.
Depuis plusieurs années, elle a choisi de transformer la demeure de son grand-père sur les bords du lac Ohrid en maison d’hôtes. Ikar Hut se veut un endroit de rencontres, d’échanges entre voyageurs de tous horizons. C’est une petite maison chaleureuse, décorée avec les nombreux souvenirs de voyage d’Ilina. Guide de randonnée, elle anime aussi des ateliers artistiques et pédagogiques pour petits et grands.
Elle milite pour un tourisme responsable et fait figure de pionnière en la matière dans son pays. Elle se bat également par le biais de l’association Ohrid SOS pour la préservation de son lac, menacé par un développement incontrôlé du tourisme. Le dernier exemple en date est la construction illégale d’un hôtel aux dimensions démesurées sur sa petite commune de Lagadin. À travers manifestations et pétitions, Ilina fait tout pour éviter que le lac se bétonne petit à petit et finisse par perdre son statut de Patrimoine Mondial et son écosystème unique. Espérons que sa voix et son combat seront entendus.