Au large de Sumatra en Indonésie, sur l’île de Siberut, un peuple pacifique continue de vivre selon un mode de vie traditionnel fondé sur une relation fascinante avec la nature. Au fond de la forêt équatoriale, les Mentawai accueillent les voyageurs curieux d’en savoir plus sur une des dernières tribus indigènes du monde.
Les Mentawai vivent sur l’archipel du même nom, précisément sur la grande île de Siberut. On les surnomme les « Hommes-fleurs » car ils portent des fleurs d’hibiscus rouge dans les cheveux, ils ne sont vêtus que d’un pagne en écorce d’arbre, et leur corps est recouvert de tatouages. Ce peuple animiste se nourrit des richesses de la forêt et se soigne selon des rituels chamaniques.
Dans sa maison d’hôtes à Bali, Thierry Robinet, un grand voyageur français d’une soixantaine d’années, nous raconte quelques-unes de ses aventures. Il connaît l’Indonésie depuis plus de quarante ans et est l'un des premiers étrangers à s’être rendu dans les îles Mentawai, à une époque où peu de gens s’aventuraient dans ces contrées. Lorsque Thierry explore la grande île de Siberut en 1978, il y rencontre un peuple fantastique.
« Tout débute avec leur apparence physique, on est tout de suite impressionné, le respect s’impose. Dans les croyances de ce peuple animiste, le corps et l’âme doivent s’entendre. C’est pourquoi, ils apportent de l’importance aux fleurs et aux colliers, simplement pour se faire beau afin que leurs corps séduisent leurs âmes. »
Le respect de la nature et le chamanisme omniprésent semblent avoir séduit Thierry dès son premier voyage.
« J’ai eu beaucoup de chance. Après une longue traversée en bateau depuis Padang, ma première rencontre sur place, je l’ai faite avec Teu Rochak, grand chamane de l’île, devenu mon ami. Grâce à lui, j’ai compris le lien très fort unissant les Mentawai à la nature et la puissance de la vie en forêt. Thierry nous explique que les Mentawai ne vivent pas dans la forêt mais grâce à elle et avec elle. Ils ont besoin de la nature pour survivre alors, pour la remercier, ils la vénèrent et la protègent à leur façon avec le culte et les cérémonies. »
À quoi ressemble une journée chez les Mentawai ?
« On passe du temps à fabriquer les flèches empoisonnées pour partir chasser le singe ainsi que quelques pièges pour les cochons sauvages, on prépare les repas à base de sagou avec les femmes et on part en forêt, plusieurs heures. Mon activité préférée, c’est d’y aller avec les chamanes, les sikerei, pour récolter des plantes. De retour au village, le chamane prépare ses soins à l’aide de concoctions pour la cérémonie du soir où se mêlent danses et chants sacrés pour invoquer les esprits. On dort sur une natte à même le sol dans la grande pièce commune, enveloppés d’une moustiquaire, et on se lave dans la rivière bien sûr ! »
À 150 km de la côte de Sumatra, au cœur d’une forêt équatoriale dense et difficile d’accès, les « Hommes-fleurs » sont naturellement restés en marge. Pourtant, ils ont longtemps été persécutés sous la dictature de Suharto (1965-1998), lorsque l’armée indonésienne souhaitait les sédentariser dans des villages. Pour Thierry, les Mentawai sont de véritables résistants, des rebelles.
« Beaucoup n’ont jamais accepté qu’on les déplace et que la modernité les envahisse, d’autres sont retournés volontairement vivre dans la forêt dès qu’ils ont pu. Ils ont toujours lutté de manière pacifique en perpétuant les traditions et les gestes de leurs ancêtres, en continuant leurs activités quotidiennes, et en gardant comme seule dépendance celle liée à leur précieuse forêt. »
L’avenir des Mentawai est en danger. La déforestation est une des principales menaces venues s’ajouter à l’acculturation imposée par le gouvernement indonésien. Les « Hommes-fleurs » ont tout à fait conscience de vivre dans un monde en mutation. Grâce aux retombées économiques du tourisme, certains envoient leurs enfants à l’école, en se disant qu’une bonne éducation les aidera à protéger leur culture et à affronter le monde extérieur. Thierry est optimiste :
« Aujourd’hui, si vous partez sur Siberut, vous rencontrez un peuple de chasseurs-cueilleurs aux croyances intactes, qui vit encore dans les Umas, grandes maisons communautaires sur pilotis et chassent toujours les macaques avec leurs arcs et leurs flèches en pleine jungle. S’ils disparaissent, plus aucun touriste n’ira aux Mentawai. Les quelques groupes de voyageurs par an permettent en partie de sauvegarder ces traditions uniques. Chaque visiteur s’aventurant vers les Mentawai s’engage bien sûr à respecter le quotidien de cette communauté sans venir la fragiliser davantage. Pour l’instant, l’équilibre est préservé et l’expérience, toujours aussi authentique ! »
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