Tourisme durable

Cuba ou l'art de la débrouille

10 April 2020 - Culture / Patrimoine

Avec 4 à 4,5 millions de touristes par an depuis 2016 pour une population de 11,5 millions de cubains, certains voient là un trop plein qui dénature l'île et ne profite pas pleinement aux habitants. Ecartons-nous des sentiers battus pour retrouver les habitants qui continuent d'adopter le système D pour vivre sur leur île.

 

 

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Rouler sur l'île est une aventure en soi, entre les charrettes, les motos et les bus bondés ©Alexandre Martin

 

 

Sur la route de Viñales, on a doublé beaucoup de charrettes, de chevaux, d'ânes, de cyclistes et aussi quelques autobus antiques sous la charge des passagers qui s'y étaient entassés. Dans la plaine, sur une terre rouge qui se prête merveilleusement à la culture du tabac et de la canne à sucre, s'élèvent par-ci, par-là des mogotes, petites collines arrondies et nappées de forêts qui forment comme des bulles. Elles me rappellent la baie d'Along au Vietnam, la mer en moins.

 

 

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Les mogotes s'élèvent autour de Viñales ©Alexandre Martin

 

 

Viñales donc, trois rues principales coupées par des perpendiculaires qui s'évanouissent dans les champs où s'ébattent cochons et volailles. Sous les vérandas des maisons basses, des vieux se balancent lentement sur des fauteuils à bascule. Des vieillards beaux comme des patriarches, à la peau couleur de havane, qui regardent sans frémir le temps s'écouler.

 

 

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La culture du tabac dans la région de Viñales, permet la fabrication du cigare ©Alexandre Martin

 

 

Juan a servi de la langouste : ma première langouste de Cuba. Jusqu'à présent elle était introuvable. Il l'a fait en toute illégalité, car toutes les langoustes, tous les crustacés, tous les poissons ou presque appartiennent à l'État et seuls les magasins d'État sont censés les préparer quand tout n'est pas parti à l'exportation. Bien sûr, il y a toujours moyen de ruser.

Pour éviter d'éventuels ennuis, Juan me livre son secret : « Je jette les carcasses dans des poubelles éloignées de la maison. » Dans sa cuisine tout juste éclairée par un néon dépressif trône un réfrigérateur américain, taille XXL, carrossé comme une Pontiac. Un monstre qui, à lui seul, doit épuiser une centrale électrique. Un rescapé de la révolution énergétique quand au tournant des années 2000, le gouvernement faisait la chasse à ces spécimens d'un autre âge pour faire des économies à tout prix.

 

 

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Sur la route en direction de Viñales ©Alexandre Martin

 

 

Trinidad : saaaaaalsa!

 

Un petit bijou de ville coloniale qui sort de sa torpeur lorsque survient la nuit et que, dans les clubs, les premières notes tropicales s'élèvent. À la Bodeguita Trinidaria, le groupe Sabor Cubano est aux commandes de la soirée. Je le concède, au petit matin la salsa ne m'avait pas dévoilé tous ses secrets et ce n'est pas faute d'avoir essayé sur La Negra Tomasa, Chán Chán et autres standards.

 

 

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Trinidad, un petit bijou de ville coloniale ©Alexandre Martin

 

 

Les Cubains ont un truc qui ne s'apprend pas en claquant des doigts. Tous savent danser, car le contraire n'est tout simplement pas possible. Comment feraient-ils sinon pour draguer et plus largement pour vivre pleinement ? Quand les danseurs sont partis, les musiciens ont bu quelques bouteilles de rhum vendues au prix de l'eau minérale puis sont rentrés chez eux un peu fatigués. C'est qu'ils travaillaient le lendemain. Lorenzo, Luis, Josman … sont mécano, cordonnier, magasinier le jour. Le soir, ils jouent pour le plaisir et pour mettre un peu de beurre dans les épinards. Rien n'est jamais facile à Cuba.

 

 

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Dans la campagne cubaine, les bœufs sont encore largement utilisés comme moyen de traction ©Alexandre Martin