Pendant longtemps, Bali a rimé avec paradis. Surnommée l’île des dieux, elle a hanté les imaginaires du voyageur depuis des décennies avec son environnement naturel et son art de vivre tout aussi singulier. Aujourd’hui, alors que la reprise du tourisme post-pandémique se poursuit à plein régime, l’île voit ses routes encombrées, ses déchets qui se multiplient et ses rizières qui disparaissent. Bali est-elle condamnée ?
En 2023, l’archipel indonésien aux 17 000 îles a attiré 11 millions de visiteurs dont près de la moitié se sont rendus uniquement à Bali. Même si la pandémie a été un choc brutal pour l’île, le tourisme est reparti de plus belle, un secteur représentant environ 80% de l’économie locale. Mais les impacts du tourisme sont devenus plus apparents que jamais, tant au niveau de la dégradation de l’environnement que du respect des coutumes locales.
Contrairement à d’autres îles d’Asie du Sud-Est, à Bali, on vient depuis toujours pour autre chose que les plages, pour plus. D’abord pour sa culture ancestrale : l’art de vivre lié aux croyances et aux traditions balinaises offrant un coin du monde unique, dépaysant, envoûtant. L’enclave hindouiste de l’archipel abrite des temples époustouflants de beauté et toujours très vivants, et possède d’autres attraits : une population particulièrement tolérante et accueillante avec les visiteurs, une nature sauvage faite de forêts, lacs, volcans et rizières, de riches fonds marins et des spots de surf mythiques.
Ainsi, à Bali, l'art, la culture, la tradition et la nature représentent les quatre piliers du tourisme. Aujourd’hui, ils sont tous en péril et plus rien ne semble différencier l’île d’une station balnéaire à la mode, avec ses hôtels internationaux et une vie nocturne débridée, notamment dans les zones les plus urbanisées du sud - Canggu, Seminyak et Kuta. L’atmosphère ne rime plus vraiment avec “sérénité balinaise” et certains voyageurs sont de moins en moins soucieux de la culture locale.
Paradoxalement, Bali souhaite toujours accueillir plus de visiteurs pour rattraper les recettes touristiques perdues lorsque la pandémie a ravagé son économie. Le surtourisme met à rude épreuve les ressources de l’île, ce qui ternit l’image de Bali en raison d’un développement effréné, d’une gestion des déchets inexistante et des embouteillages constants entre les différents lieux d’intérêt. Le développement touristique affecte de manière irréversible l’agriculture, avec la transformation de rizières en terrain bâti, mais également les ressources en eau, dont les hébergements touristiques sont gros consommateurs. Ironie du sort, aujourd’hui, chaque nouveau projet d’infrastructure sur l’île menace le tourisme lui-même.
Sur un territoire si profondément dépendant du tourisme, les défis à relever sont nombreux. Le gouvernement montre sa volonté de développer un tourisme plus responsable en rappelant son souhait d’attirer “des touristes qui respectent la culture balinaise, prêts à rester plus longtemps et qui dépenseront également plus d’argent”. Depuis le 14 février, une taxe de séjour de 9 € par personne à l’arrivée a été mise en place. Les revenus collectés sont destinés à " préserver le patrimoine culturel de Bali et à protéger son environnement”. L'attention croissante portée sur ces problématiques touristiques laisse présager un changement possible.
Venir à Bali ? Oui ! Mais pour y vivre des expériences immersives qui tiennent compte des enjeux sociétaux et environnementaux, avec le souci de maintenir un juste équilibre entre ce que les habitants sont prêts à consentir et ce que veulent les visiteurs. Accepter de ne pas cocher une liste, éviter le sud de l’île et ses stations balnéaires, réfléchir à son itinéraire pour ne pas engorger le trafic, dormir dans des petites structures familiales, c’est la contrepartie d’une expérience unique. Il suffit parfois de faire un pas de côté pour redonner à un lieu “mythique” ses lettres de noblesse…