
Depuis 2024, le Maroc est la première destination touristique d’Afrique. Se pose la question de l’impact du tourisme sur les sites visités et notamment dans les environnements naturels comme le désert.
L'attrait du Maroc auprès des touristes ne faiblit pas : le pays a accueilli 17,4 millions de visiteurs en 2024, enregistrant une augmentation de 20% par rapport à l'année précédente. Bien que le tourisme représente un moteur économique important pour le pays, sa croissance rapide engendre des défis d’ampleur en matière d'infrastructures et d’impact environnemental. Marrakech, mais aussi les aires désertiques figurent parmi les zones les plus touchées par ce problème.
L’appel du désert
Avec 8,6 millions de kilomètres carrés, le Sahara est le plus vaste désert chaud du monde, dominant la quasi-totalité de l'Afrique septentrionale sur près de 5000 kilomètres de long et 1500 de large. Ce territoire s'étend sur dix pays, du Maroc à l’Égypte, mais une grande partie est difficile d’accès pour les touristes, pour des raisons de sécurité. L’appétit pour le Sahara ne diminue pas pour autant et, pour de nombreux voyageurs, une visite dans le désert est un incontournable lors d’un voyage au Maroc. Leur venue se concentre généralement sur deux zones : l'erg Chebbi, à proximité de Merzouga, et l’erg Chegaga, près de M'Hamid.
Erg Chegaga © Aurélie Croiziers
Situées à 530 kilomètres à l’est de Marrakech, les dunes de l'erg Chebbi sont victimes de l’explosion du tourisme marocain. Principalement composée de nomades sédentarisés, attirés par l'agriculture oasienne dès les années 1950, la population de Merzouga a vu l'arrivée de premiers touristes dans les années 1980, suivie d’une forte augmentation dans les années 2000, avec la construction d'une route goudronnée. Cette croissance exponentielle a profondément marqué l'erg Chebbi. Le paysage s'est transformé avec l'apparition d'environ 150 campements et une centaine d'hôtels. L'essor d'établissements "de luxe", proposant des équipements tels que piscines et climatisation, a attiré une clientèle plus fortunée, entraînant une affluence touristique plus intense encore. En haute saison, les dunes de l'erg Chebbi sont aujourd’hui occupées par des files de dromadaires et un incessant va-et-vient de quads.
La pérennité même de ces paysages se pose face aux conséquences de cet afflux massif : piétinements des sols, gestion des ressources en eau, traitement des déchets, pollution sonore.
Emmanuelle Barat est responsable de l’agence Authentik Traveller. Elle arpente le Sud marocain depuis des années, mais a choisi de ne pas proposer la zone de Merzouga.
Depuis quelques années, les camps y sont uniquement autorisés en bordure de l’erg. Du coup, l’erg Znagui, tout près, qui était vierge encore en 2023, commence à voir des camps sortir de terre. Plus loin vers Taouz, le goudron est arrivé et on y voit également des camps. Où va s’arrêter cette expansion ? - Emmanuelle Barat
L'organisation du tourisme demeure principalement assurée par des acteurs locaux. Anciens nomades habitués à une structure tribale et peu influencés par l'État, les familles ont développé une capacité d'adaptation bienvenue face aux changements. Si le tourisme a permis une amélioration globale de la qualité de vie et un meilleur accès à l'éducation et aux soins médicaux, la priorité absolue doit maintenant être la sauvegarde de l’environnement. Protection et aménagement sur le long terme des sites naturels ou même quotas, il est plus qu’urgent que les acteurs du tourisme prennent à bras le corps ces questions !
Erg Chegaga : l’espoir d’un autre développement ?
Changement de décor, 500 kilomètres à l’est de Marrakech, un peu plus vers le sud : les derniers 50 kilomètres menant de M'Hamid à l’erg Chegaga sont une piste rocailleuse que seuls les conducteurs avertis savent emprunter. Daoud est nomade, il a vécu dans ce désert avec sa famille jusqu’à son adolescence avant de travailler dans le tourisme. Il a créé le campement Nomademoi, au pied de l’erg Chegaga, où Emmanuelle envoie ses voyageurs. Selon Daoud, le tourisme "donne la possibilité aux familles de continuer à être nomades, car les devises étrangères permettent notamment de continuer à élever les dromadaires et d’avoir des revenus complémentaires." Mais les acteurs locaux ont refusé la construction d’une route goudronnée, pour conserver l’équilibre des lieux. Ici, peu de campements sont alignés et la démesure luxueuse des équipements de Merzouga ne semble pas au goût du jour. Les défis restent de taille : utilisation modérée de l’eau, traitement des eaux usées et des déchets, concertation continue pour un développement harmonieux du tourisme.
Emmanuelle commente : "il y a un besoin urgent de réglementation dans tout le désert marocain, mais surtout d’accompagnement des acteurs locaux dans la préservation des ressources et la gestion des déchets. C’est avec cet accompagnement initié par le gouvernement ou les instances locales, que le tourisme saharien pourra perdurer et satisfaire les voyageurs qui aiment notre beau pays."
Aux côtés de cette agente de voyages engagée, espérons que des mesures seront rapidement prises pour protéger ce superbe mais vulnérable environnement qu’est le désert.